Séminaire de conclusion du CEFRES 2016/17

Après une année passée au CEFRES, les doctorants de l’équipe 2016/2017 présenteront l’avancée de leurs travaux au cours d’un séminaire de conclusion, en présence des membres de la nouvelle équipe doctorale 2017/2018 et de leurs collègues du CEFRES. Le séminaire est précédé par l’accueil de la nouvelle équipe des doctorants et doctorants associés du CEFRES le matin.

Lieu et horaires : Na Florenci 3, bâtiment C, salle de conférences, 3e étage, entre 14h et 17h30
Langue : anglais

Programme

14h00 Mátyás Erdélyi : Modernity, Capitalism, and Private-Clerks: The Philosophy of Money in Austria-Hungary

14h30 Filip Herza : Freak Shows and the Collective Body of Nation in Prague 1860s-1930s: The Concept of Disability and Nationalism Studies

15h00 Katalin Pataki : From Victims to Collaborators: the Dissolution Procedure of Mendicant Monasteries in the Hungarian Kingdom (1787-1793)

15h30 Pause

16h00 Chiara Mengozzi (post-doctorante) : Literary Animals: Thinking Beyond Human, Reading Against Allegory

16h30 Magdalena Cabaj : From Hermaphrodite Writing to Intersex Writing

17h00 Lara Bonneau : Fall and Ascent: Reading Warburg with Binswanger

 

L’architecture et l’art en tant que sources historiques : à la frontière entre sciences humaines et sociales

Une séance menée par Monika Brenišínová.

À lire :

  • Clifford Geertz, « Art as Cultural System », MLN 91 (6), 1976,            p. 1473-1499.
  • George Kubler, « History: Or Anthropology: Of Art? », Critical Inquiry, 1(4), 1975, p. 757-767.

Les discussions théoriques sur l’architecture révèlent bien la diversité d’approches possibles. De la perspective classique à celle historique de l’histoire de l’art, on peut identifier au moins trois méthodes d’enquête : la recherche archéologique en construction (BauforschungA. von Gerkan, soit en tchèque SHP, D. Líbale) ; les analyses critico-stylistiques et historico-stylistiques (H. Wölfflin, H. Focillon, M. Dvořák) ; l’analyse sémantique (G. Passavant, E. Hubala). Et si l’on considère l’art en général, l’affaire se complique encore. Sachant que même les historiens de l’art n’ont pas trouvé de consensus pour définir l’art en tant que tel, qu’en est-il lorsqu’on considère l’art du point de vue d’une autre discipline scientifique ? Lorsque nous concevons l’art comme une source de l’histoire, les catégories traditionnelles de l’histoire de l’art comme le point de vue esthétique, l’imaginaire de l’auteur, les styles ou les topoï perdent aussitôt leur sens. De plus, le travail historique avec les sources visuelles est majoritairement interprétatif et requiert une approche critique. D’où une position à la frontière entre sciences humaines et sciences sociales : un espace marginal entre les limites clairement définies des disciplines, où temps et espace changent de forme et où d’autres disciplines – comme l’anthropologie – peuvent être mises en jeu.

Usages de l’analogie dans les sciences humaines et sociales

Une séance menée par Lara Bonneau.

À lire :

  • Gilbert Simondon, L’individu et sa genèse physico-biologique, Paris, PUF, 1964, p. 264-268.
  • Alan Sokal, « A Physicist Experiments with Cultural Studies », Lingua Franca, mai-juin 1996, URL : http://linguafranca.mirror.theinfo.org/9605/sokal.html
  • Aby Warburg, Miroirs de faille, A Rome avec Giordano Bruno et Edouard Manet, Paris, Presses du réel/L’écarquillé, 2011, p. 62, 64.

La transdisciplinarité peut être conçue comme le partage d’objets et de méthodes par diverses disciplines. Outre ces objets et méthodes, elle peut aussi – et c’est peut-être sa première forme –  impliquer le partage d’un vocabulaire commun. La tendance de certaines sciences humaines, et de la philosophie en particulier, à utiliser des concepts élaborés par d’autres disciplines dans d’autres contextes, a été vivement critiquée par Alan Sokal en 1994, à l’occasion de ce que l’on continue d’appeler aujourd’hui « l’affaire Sokal ». Le physicien essaya de discréditer la réappropriation par certains philosophes de concepts appartenant aux sciences naturelles, en montrant leur ignorance sur la signification réelle de ces concepts dans leur champ d’origine et ainsi faisant, en réduisant leurs travaux à de vains jeux linguistiques. En effet, le recours à l’analogie et à la métaphore dans les sciences humaines mérite une approche critique. Dans cette séance, j’essaierai de montrer que, s’il n’est pas sans danger, cet usage de l’analogie et de la métaphore est inhérent à l’activité scientifique, qui peut être à la fois légitime et fructueux. Je commencerai en donnant un exemple concret à travers les emprunts analogiques et métaphoriques au champ des sciences naturelles faits par l’historien de l’art Aby Wargurg. Je m’appuierai ensuite sur un texte plus réflexif de Simondon sur la légitimité de cette méthode, intitulé Théorie de l’acte analogique dans son ouvrage L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information.

Étudier l’État à travers le scandale : de la valeur épistémique de la transgression

Une séance menée par Jana Vargovčíková.

À lire :

  • Damien de Blic & Cyril Lemieux, « Le scandale comme épreuve », Politix 71 (3), 2005, p. 9-38.
  • Akhil Gupta, « Blurred Boundaries: The Discourse of Corruption, the Culture of Politics, and the Imagined State », American Ethnologist 22 (2), 1995, p. 375-402.
  • Chris Jenkins, « Transgression: The Concept »,  Architectural Design 83 (6), 2013.

‘In olden days a glimpse of stocking was looked on as something shocking. Now, heaven knows, anything goes.’ (Cole Porter).

Loin d’être de simples anomalies ou des accidents, les transgressions sont conditionnées et rendues signifiantes par les normes. Aussi les normes réaffirment-elles constamment leur légitimité et leur sens propre en s’opposant aux transgressions. Ce que l’on considère comme une transgression, et le moment où celle-ci gagne la possibilité d’être transformée en scandale, sont tout relatifs, comme le dit la chanson. Compte tenu de l’imbrication entre normes et transgressions, les philosophes et les chercheurs en sciences sociales se sont intéressés à des cas de transgression afin de comprendre l’ordre, les normes sociales et les institutions et d’analyser la nature de la distinction qui les sépare (cf. Foucault, Becker, Hughes, Goffman). En mettant de côté les préconceptions normatives, le sociologue ou le politologue peuvent apprendre de l’anthropologue et considérer les transgressions dans le champ politique comme des indicateurs de la structure (symbolique, mais pas seulement) de l’État. Les scandales politiques, en tant que récits d’événement taxés de transgressifs, représentent justement un chemin pour comprendre la façon dont un corps politique organise les limites de ses normes (De Blic & Lemieux) et la façon dont les citoyens se positionnent face à l’ordre politique (Gupta).

Inventer les chiffres justes : statistiques sociales, raison commerciale et bien public

Séance menée par Mátyás Erdélyi.

À lire :

  • Theodore M. Porter, « Life Insurance, Medical Testing, and the Management of Mortality », dans Lorraine Daston (ed), Biographies of Scientific Objects, Chicago, University of Chicago Press, 2000, p. 226-246.
  • Alain Desrosières, La Politique des Grands Nombres: Histoire de la Raison Statistique, Paris, La Découverte, 1993.

Cette session s’intéresse à la façon dont les statistiques sociales ont été créées, saisies et utilisées pour des buts commerciaux et publics dans la Hongrie de la Double monarchie. Elle explore les divers modes de quantification, les perspectives inter- ou pré-disciplinaires de la production scientifique, et les relations de pouvoir entre des experts et des professions naissantes rivaux. Au cœur de cette enquête, l’analyse des relations entre les statisticiens et d’autres notables (i.e. toute personne digne d’intérêt qui prit part au débat, qu’il fût homme politique, industriel ou lettré) qui affirmèrent leur autorité sur la création et l’usage politique et économique des statistiques sociales. Cette session contribuera aux discussions générales sur la nature de l’interdisciplinarité, en décrivant ces tout premiers ateliers interdisciplinaires et en montrant comment la recherche de vérités éternelles et de l’objectivité peut être déviée par les intérêts politiques et économiques au sein de la compétition entre disciplines.

 

La notion d’interdisciplinarité dans La Condition postmoderne

Une séance menée par Edita Wolf.

À lire :

  • Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne : Rapport sur le savoir, Paris, éditions de Minuit, 1979.

Vous pouvez lire le livre entier ou l’introduction et les p. 31-70.

Tandis que les grands récits construits par la philosophie métaphysique justifient la condition moderne du savoir, la mise en doute des méta-récits caractérise la condition postmoderne. Dans ce texte pionnier, Jean-François Lyotard explore le processus de délégitimation des affirmations du savoir face à la fin des grands récits et à l’émergence concomitante d’une nouvelle légitimation en termes de performances et d’efficacité dans le champ de la production du savoir. Le système disciplinaire, ancré dans le discours spéculatif, est ainsi remplacé par une pratique qui ne se justifie que par les principes du résultat et de l’efficacité. Le texte de Lyotard permet d’appréhender autrement les débats contemporains sur la théorie de l’interdisciplinarité, celle-ci devenant soit une exigence politique, soit une notion qui devrait être chargée d’une signification plus profonde sur le statut actuel de la production du savoir. Ainsi l’interdisciplinarité semble fonctionner comme jadis les anciennes notions philosophiques : indépendamment des travaux réels de la science d’aujourd’hui. La relecture de La Condition postmoderne, dans laquelle un philosophe annonce la fin de sa discipline, peut nous faire réfléchir sur l’interdisciplinarité comme pratique singulière qui n’implique pas nécessairement la construction d’un discours de légitimation.