Atelier franco-tchèque en science historique
Alain de LIBERA, professeur au Collège de France
L’archéologie philosophique, héritée de la description kantienne d’une philosophische Archäologie comme « histoire philosophique de la philosophie », a été programmatiquement définie par Michel Foucault comme l’« histoire de ce qui rend nécessaire une certaine forme de pensée ».
J’en ai repris la visée et l’impulsion dans un travail d’archéologie du sujet, visant à répondre à une question précise : comment et pourquoi le « sujet » est-il devenu, sous le nom de « je », sujet d’action ? La présentation de ce travail, axé sur la « longue durée » et l’hypothèse du « long Moyen Âge », sera l’occasion de caractériser la méthode et les concepts majeurs de l’archéologie philosophique, dont celui de « complexes questions-réponses », substitué, sur les pas de R.G. Collingwood, à la notion standard de « problème », puis de mettre en place et d’analyser un de ses thèmes centraux : le « chiasme du sujet et de l’objet », en le situant philosophiquement par rapport à la « déconstruction » (Abbau) ou « destruction » (Zerstörung) heideggériennes de la « subjectivité ». J’examinerai, de ce point de vue, l’évolution de Martin Heidegger lui-même, l’ambiguïté de la notion d’« histoire de l’Etre » (Geschichte des Seins /Seyns) qui, à partir des années 1930, vient compléter ou remplacer celle de « déconstruction », et proposerai quelques éléments de réflexion archéologique sur l’origine, la nature et la portée philosophiques et politiques de cette évolution.