Quatrième rencontre du séminaire « Nature(s) et normes » (NaNo), réalisée dans le cadre du programme de recherche SAMSON (Sciences, Arts, Médecine et Normes Sociales), développé par l’Université de la Sorbonne (Paris), la Faculté des Arts de l’Université Charles (Prague), l’Université de Varsovie et le CEFRES accueille deux participants : Mathieu Lericq (ESTCA, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis) et Magda Szcześniak (Institut de la culture polonaise, Université de Varsovie).
Lieu : Paris, Bibliothèque du CEFRES et en ligne :
https://us02web.zoom.us/j/86161270934?pwd=UUp6Y1g3V2pkWWp4SVNJWEo3WndOdz09
Meeting ID: 861 6127 0934
Passcode: 695781
Date: vendredi 27 janvier, 16:30.
Langue: anglais
Contact: cefres[@]cefres.cz
Première partie:
Mathieu Lericq, ESTCA, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Généalogie d’un tabou: Homosexualité et SIDA dans les films amateurs et pédagogiques produits en Pologne communiste
Résumé: En Pologne communiste, l’argument selon lequel l’homosexualité est ‘contre-nature’ se diffuse dans le débat public. Mais comment peut-on définir cette « nature », si ce n’est qu’en tant qu’enracinement moral pour condamner idéologiquement l’amour entre hommes et entre femmes? Durant les années 1970 et 1980, la perception de l’homosexualité comme menace culturelle s’est fondée sur une absence presque totale des représentations des communautés gay ou lesbienne dans les médias officiels, à l’exception de la rare présence de personnages homosexuels dans les films de fiction. Deux événements semblent avoir causé une reconsidération relative du discours normatif: la formation de groupes de défense des droits suivant Operation Hyacinth (1983-1985) and l’épidémie de SIDA. Ils impliquent une « publicisation » paradoxale d’un désir encore marginalisé. Cette communauté a pour but de débattre du concept de « tabou » en s’appuyant sur une analyse des oeuvres filmiques produites à la périphérie des studios les plus importants, notamment dans les clubs de films amateurs et dans le Studio des Films Pédagogiques (WFO). Ces films semblent rompre avec une approche purement péjorative et stéréotypée de l’homosexualité et du SIDA. Ces films participent-ils à l’émergence d’une « nouvelle structure du sentiment » (Jagielski, 2021) à travers laquelle l’émancipation des homosexuel.le.s s’avère moins possible qu’empêchée?
Mathieu Lericq est un chercheur post-doctorant et chargé de cours à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (ESTCA). Sa thèse de doctorat s’intéresse à la valeur politique des corps dans le cinéma polonais des années 1970 et 1980. Ses recherches, combinant les champs historique et esthétique, explorent plus précisément les problématiques liés aux sexualités dans les films de l’Europe Centrale. En 2021-2022, il élabore sa recherche autour de la représentation médicale des maladies dans les films produits dans le Studio des Films Pédagogiques (Wytwórnia Filmów Oświatowych, WFO) à Łódź. Il a publié plus tard un livre sur Béla Tarr et est l’auteur de nombreux articles.
Seconde partie:
Magda Szcześniak, Institut de la Culture Polonaise, Université de Varsovie
La fabrication des normes et la transgression des normes dans la sphère du contre-public queer de la transition polonaise post-socialiste
Résumé: « Bien que l’année 1989 soit souvent décrite et célébré comme le « début de la liberté » et un « retour à la normalité », l’histoire de la « sphère du contre-public » queer polonaise pousse à mettre en question de tels conclusions téléologiques. Non seulement la dimension queer existait et se manifestait dans la sphère publique (quoique de manière complexe et ambiguë) avant 1989, mais la nouvelle réalité capitaliste et démocratique n’a pas automatiquement accordé une visibilité et des droits à ceux qui avaient été considérés comme « pas normaux ». Dans cet exposé, je fonderait ma réflexion sur les discussions sur les normes sexuelles qui se sont déployées dans la sphère du contre-public queer des années 1980 et 1990. Se déroulant principalement dans des zines et des magazines, ces débats faisaient écho aux conflits qui se déroulaient au même moment dans les mouvements LGBT occidentaux sur la question de l’assimilation, ou ce que Lisa Duggan a appelé « homonormativité ». Simultanément, leurs dynamiques sont spécifiques au moment post-socialiste. De la question de la forme appropriée de l’auto-dénomination aux tactiques de maintien des pratiques sexuelles à l’époque de l’épidémie de sida, en passant par les problèmes de présentation de soi dans une sphère publique hostile, ces discussions ont offert différentes visions de la vie des homosexuels après 1989.
Magda Szcześniak est professeure assistante en Etudes culturelles à l’Institut de la Culture polonaise à l’Université de Varsovie. Elle est l’autrice du livre Normy widzialności. Tożsamość w czasach transformacji [Norms of Visuality. Identity in Times of Transition, 2016], dédié à la culture visuelle post-socialiste et son rôle dans la transition économique des années 1990, et co-autrice des deux volumes Kultura wizualna w Polsce [Visual Culture in Poland, 2017]. Dans son dernier livre Poruszeni. Awans i emocje w socjalistycznej Polsce [Feeling Moved. Upward Mobility and Emotions in Socialist Poland, publication en 2023], elle examine les manières par lesquelles les émotions générées par des changements radicaux de structure de classe en Pologne d’après-guerre ont été traduits en représentations, créant un genre complexe des « histoires de mobilité ascendante socialistes ». Szcześniak a reçu des bourses de la fondation Fullbright (2010/2011; 2019/2020), du Centre national des sciences polonais (2013-2015, 2018-2021) du Ministère polonais des Etudes Supérieures (2017-2020) et a reçu le “Polityka” Academic Award dans le champ des sciences humaines (2017).
Voir le programme complet du séminaire ici.