La littérature outil de compréhension de l’histoire et de la société

Brouiller les frontières : La littérature outil de compréhension de l’histoire et de la société.
Le sens du travail dans une Tchécoslovaquie « normalisée »

7ème session du Séminaire interne du CEFRES 2023-2024.
Par la présentation de recherches en cours, l’objectif du Séminaire du CEFRES est de soulever et de soumettre à la discussion des questions de méthodes, d’approches ou de concepts, dans un esprit pluridisciplinaire, permettant à chacun de croiser ses propres perspectives avec les travaux présentés.

Lieux : bibliothèque du CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1 et en ligne (pour obtenir le lien, écrivez à cefres(@)cefres.cz)
Date :
mardi 18 mars 2025, 16 h 30
Langue : anglais

Valentin Auger (CEFRES / Faculté des Lettres de l’Université Charles)

Discutant : Jan Váňa (Institut de littérature tchèque, Académie tchèque des sciences)

Résumé

La distinction entre la littérature et l’histoire est un développement assez récent dans la façon dont nous concevons la connaissance. Pendant des siècles, les deux étaient profondément liés ; les narratives historiques ont été formés à travers les formes littéraires mêlant les faites et la narration. Ce n’est qu’au XIXème siècle, avec le développement des sciences humaines modernes et l’influence du positivisme et l’école méthodologique (Langlois et Seignobos), l’histoire a commencé à se définir comme une discipline particulière. Les historiens voulaient se détacher de ce qu’il considéraient comme la subjectivité de la narration littéraire et ils voulaient établir une approche plus « scientifique ». Mais cette répartition n’a jamais été absolue. Même aujourd’hui, les historiens utilisent des techniques narratives afin de donner un sens aux événements et la littérature continue d’offrir des perspectives uniques sur les sociétés passées, la capture des émotions, les mentalités et la dynamique sociale que les sources historiques traditionnels pourraient manquer.

Dans son chapitre « From Nonfiction to Literature-as-Truth« , faisant partie de History Is a Contemporary Literature: Manifesto for the Social Sciences, Ivan Jablonka met en question l’idée que l’histoire et la littérature existent dans deux domaines différents. Il affirme que l’écriture historique n’est jamais strictement objectif ; il est basé sur les choix narratifs et les décisions stylistiques qui déterminent notre compréhension du passé. Pendant que l’histoire suit des méthodes rigoureuses, elle partage une intention fondamentale avec la littérature : transmettre la vérité, non seulement par des faits, mais par des récits capturant la complexité de la réalité. Jablonka nous pousse à repenser la rôle de la littérature, pas comme une simple invention mais comme un outil puissant permettant d’accéder les vérités humaines et sociales qui puissent rester invisibles. Son travail appelle à une nouvelle approche dans les sciences sociales, une approche reconnaissant la dimension littéraire comme une partie essentielle de la production du savoir plutôt que comme une simple décoration.

Ma recherche doctorale étudie la manière dont la littérature nous aide à comprendre le sens du travail à la Tchécoslovaquie pendant la période de normalisation (1971–1989). Je me concentre sur la fiction tchèque et slovaque traduite en français en utilisant les théories de la signification du travail, en particulier celles d’ Andrea Veltman, pour examiner comment la littérature reflète  et critique le travail sous le régime communiste. À travers ces histoires, j’observe les tensions entre une idéologie officielle, une expérience personnelle et les aspirations professionnelles, montrant comment la fiction redessine notre perception du travail dans un environnement marqué par la surveillance, la stagnation et l’adaptation.

Voici le programme complet du séminaire en 2024–2025 ici.