Histoire(s) d’archives : imaginer des pratiques de pensée et d’écriture à travers des manuscrits du savoir intellectuel
La conférence vise à développer une démarche intellectuelle collective portant sur les méthodologies et les outils numériques qui pourraient nous permettre de mieux percevoir, au-delà et à travers les manuscrits, les figures d’intellectuels et leurs trajectoires transculturelles, les histoires et leurs racines dans les contextes culturels, ainsi que les réseaux et les pratiques collectives dans lesquels ils sont inscrits. Outre qu’elle donnerait une image différente de l’histoire des idées, une telle approche pourrait susciter des narrations plus intuitives, permettant à ces méthodologies d’atteindre – grâce à leur représentation numérique – un public plus large et non-universitaire. L’événement réunira tous les acteurs majeurs du réseau « AITIA – Archives of International Theory, an Intercultural Approach ».
Date: 5-6 décembre 2024
Lieu: 5/12 : CEFRES, Na Florenci 3, Prague
6/12: Muzeum Literatury, Pelléova 44/22, Prague
et en ligne
Langue : anglais
Organisateurs : CNRS, CEFRES, Musée de la littérature de Prague, Archives Jan Patočka
Programme provisoire
Premier jour, 5 décembre, CEFRES
Session du matin : Les penseurs écrivains et leurs archives
09h30 Remarques préliminaires
10h00 Jan Frei, Jan Patočka Archives, Prague, “Jan Patočka: the Archive, the Works, the Editions”
10h45 Jan Hron, Ladislav Hejdanek Archives, Prague, “Ladislav Hejdanek digital archive: its possibilities and limitations”Coffee break
11h30 Luz Christopher Seiberth, Institut de la Philosophie, Université de Potsdam, Allemagne, “Hypergraph Solutions for Digital Meta-Ontologies: An Interface Architecture for Reasons and Aspects”
12h15 Silvana de Souza Ramos, São Paulo University, Brasil, “Brazilian women thinkers in the archives of the Institute of Brazilian Studies (IEB/USP): Gilda de Mello e Souza and Clarice Lispector” online
Déjeuner
Session de l’après-midi : Représenter les archives
14h30 Emanuele Caminada, Archives Husserl KU Lewen, Belgique, “Manuscripts, Archives, and Thinking. Digital Tracking of Husserl’s Letter and Spirit”
15h15 Ulrich Lobis et Joseph Wang-Kathrein en ligne, Institut de recherche des archives du Brenner, Digital Science Center, Université d’Innsbruck, Autriche, “Making Use of Annotations: Tools Developed for Research in the Brenner-Archiv”
Pause café
16h30 Kiyoko Myojo, Seijo Université, Japon, Jesus College Oxford, “Principles of editing and archiving: the case of the posthumous manuscripts of Franz Kafka”
17h15 Mateusz Chmurski, CEFRES (CNRS/MEAE), Prague, “/Kronos/ in cerca d’autore: on facsimile and Witold Gombrowicz’s diaries”
18h00 Table ronde
Dîner
***
Deuxième jour, 6 décembre, Musée de la littérature Prague
Session du matin : Présenter la littérature
09h30 Jean-Gaspard Páleníček, Musée de la littérature Prague, Guided tour of the Museum’s permanent exhibition
10h15 Laurence Boudart, Archives et Musée de la Littérature, Bruxel, « Les AML, carrefour international et interculturel des dialogues littéraires »
Pause café
11h30 Honorata Sroka, CEFRES, Prague, “What Does it Mean ‘Avant-garde Archive’?”
12h15 Masanori Tsukamoto, Université de Tokyo , Japon, online, « La transformation de la nation d’implexe : de Valéry à Merleau-Ponty »
Déjeuner
Session de l’après-midi : réseaux de collaboration, dialogues et autorité plurielle
14h30 Nirmalya Chakraborty, Université de la Présidence, Kolkata, Inde, “The Lost Age of Scholarship: Emergence of Navya-Nyaya Philosophy in Classical Indian Intellectual Tradition”
15h15 Venkat Srinivasan, Maya Dodd etJayaprabha Ravindran, Co-Directeurs, Fondation Milli Archives, Inde, “How do you solve a problem like an archive? Benchmarking archives in India” online
Pause café
16h30 Laetitia Zacchini, UChicago CNRS, “About the Archives of the Indian PEN and the Indian Writer-critic as Archivist-activist” online
17h15 Benedetta Zaccarello, ITEM (CNRS/ENS), Paris, France,
18h00 Remarques finales
Note d’intention du colloque
En contexte européen tout particulièrement, l’histoire des archives nationales et celle des pays dont elles sont censées préserver la mémoire, sont indissociablement liées. Créées afin de préserver et valoriser un certain patrimoine documentaire, elles le cristallisent et l’historicisent, devenant ainsi un outil institutionnel capable de définir implicitement les canons culturels et les récits partagés par une nation.
À partir des années 1990 notamment, les chercheurs se sont de plus en plus intéressées au rôle joué par un tel dispositif dans la codification des cultures nationales. Au même moment, le public regagnait intérêt pour les coulisses du travail des écrivains comme des théoriciens, et un imaginaire lié à la genèse des ouvrages commençait à se répandre bien au-delà des usagers professionnels des archives.
Plus récemment, les énormes progrès accomplis dans le domaine de la numérisation ont permis à des milliers de collections de quitter virtuellement l’enceinte des archives et d’être projetées dans l’infosphère globale. De plus en plus d’images d’archive sont désormais potentiellement accessibles depuis la planète entière, pouvant ainsi atteindre un public beaucoup plus vaste que celui qui avait accès aux salles de consultation, mais aussi beaucoup plus international et donc plus varié quant à ses pratiques et à ses savoirs liés à l’archive
Le passage des rayonnages au World Wide Web offre à des millions d’utilisateurs potentiels les moyens de mieux s’approprier leur propre héritage culturel, en même temps qu’il témoigne du caractère essentiellement transnational et interculturel de certains documents d’archives, avant leur cloisonnement dans des institutions nationales distinctes. Car, même à l’échelle nationale, l’histoire de la culture est marquée par les dynamiques d’échange, par les traductions et transferts, par les débats collectifs et les réseaux d’intellectuels.
À cet égard, les documents d’archives et les traces manuscrites témoignent des circonstances et des contextes linguistiques, culturels et existentiels qui entourent le travail de production théorique, permettant de situer la production intellectuelle dans son contexte culturel, ainsi que de la comprendre en tant que résultat de connexions et d’interactions entre une pluralité de sujets.
À partir d’une telle perspective, les théoriciens, loin d’apparaître comme des sujets isolés dans leur travail de conception, apparaissent comme de grands « passeurs », des médiateurs entre différents univers de référence, permettant à leurs lecteurs de rencontrer et de se familiariser avec différentes traditions culturelles et disciplinaires. Car le discours théorique est le résultat d’échanges, de circulations et de partages de savoirs dans le temps et l’espace.
Aujourd’hui, les outils de représentation numérique ayant rapidement évolué, les dimensions interculturelles et multilingues des archives de la production intellectuelle sont susceptibles d’être mises en évidence par le biais d’interfaces en ligne et d’espaces web interconnectés. D’un point de vue technique, les outils numériques peuvent nous permettre de visualiser la circulation des concepts entre diverses collections et archives, les correspondances entre différents penseurs, les intersections entre les vocabulaires de différentes écoles de pensée. Toutefois, cela suppose l’élaboration de méthodes et de stratégies d’interprétation nouvelles en vue d’une représentation post-nationale des documents d’archives, plus fidèle à l’hybridité et au dynamisme originels de la production de concepts et de la théorie. Une telle représentation des archives de la philosophie et de la théorie, mettant en valeur la pluralité des sujets et analysant les collections comme autant de nœuds d’un réseau de circulations, d’échanges et d’interactions dépassant les frontières disciplinaires et nationales, est un défi pour les méthodologies actuelles, qu’il s’agisse de l’étude ou de la classification des manuscrits du travail intellectuel.
Cette conférence vise à encourager une réflexion collective sur les méthodologies et les outils numériques qui pourraient nous permettre de mieux percevoir, au-delà et à travers les manuscrits, les figures intellectuelles et leurs trajectoires transculturelles, les histoires et leurs ancrages dans les contextes culturels, les réseaux et les pratiques collectives dans lesquels ils se sont inscrits. En plus de donner une image différente de l’histoire des idées, une telle approche pourrait également produire des narrations plus intuitives, permettant à ces matériaux d’atteindre un public plus large et même non-universitaire.
L’événement réunira les acteurs principaux du réseau « AITIA – Archives of International Theory, an Intercultural Approach » et clôturera sa première phase de travail, tout en esquissant des perspectives de travail à venir.