Histoire(s) d’archives : vie, rencontres, idées dans les manuscrits d’intellectuels
La conférence vise à développer une démarche intellectuelle collective portant sur les méthodologies et les outils numériques qui pourraient nous permettre de mieux percevoir, au-delà et à travers les manuscrits, les figures intellectuelles et leurs trajectoires transculturelles, les histoires et leurs racines dans leurs contextes culturels, ainsi que les réseaux et les pratiques collectives dans lesquels ils sont inscrits. Outre qu’elle donnerait une image différente de l’histoire des idées, une telle approche pourrait susciter des narrations plus intuitives, permettant à ces méthodologies, outils, d’atteindre – grâce à leur représentation numérique – un public plus large et non-universitaire. L’événement réunira tous les acteurs majeurs du réseau « AITIA – Archives of International Theory, an Intercultural Approach ».
Date : 6 décembre 2024, 9h30
Lieu : CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1 et en ligne
Langue : anglais
Programme provisoire
MANUSCRITS
Matinée : écrivains-penseurs
Jan Frei, Jan Patocka Archives, Prague
Julia Jensen and Emanuele Caminada, Husserl Archives Lewen
Ladislav Hejdanek Archives*, Prague
Benedetta Zaccarello, ITEM (CNRS/ENS) (on dialogues in philosophical manuscripts)
Après-midi : Afficher la littérature
Museum of Literature (ML PNP) Prague
Archives et Musée de la Littérature, Brussels
The School for Cultural Texts and Records, Jadavpur University Kolkata (on Tagore’s digitalarchive “Bichitra”) (en ligne)
Mateusz Chmurski, director at CEFRES (CNRS/MEAE), Prague (on a facsimile edition)
Table-ronde : « Interpreting and (digitally) archiving intellectual manuscripts », avec Alois Pichler* (Wittgenstein Archives at the Bergen University) suivie par une discussion portant sur le thème de l’après-midi.
Dîner
ARCHIVES
Matinée : Archiver la recherche
Lucie Merhautová and Milan Hanis, on the collections at “The Masaryk Institute and Archives of the CAS”
Sylvie Archaimbault, Eur’ORBEM (CNRS/Sorbonne Nouvelle), on « Numerislav » digital archive
Nirmalya Chakraborty (Professor of Philosophy, Rabindra Bharati University, Kolkata) and Madhucchanda Sen (head of Philosophy Department, Jadavpur University Kolkata), on Darshan Manisha Digital Library (Sanskrit Philosophy) (en ligne)
Daniel Raveh, Professor of Indian and Comparative Philosophy, Tel Aviv University, on Daya Krishna digital archive online
Après-midi : Quand la recherche façonne les archives
Emmylou Haffner* and Christophe Eckes* (ITEM, CNRS/ENS), on Banana ANR project, digital archives of “Nicolas Bourbaki” (mathematics collective manuscripts) (en ligne)
Venkat Srinivasan*, National Centre for Biological Sciences Archives, on the making of NCBS archives and collections (en ligne)
Institut Français de Pondichéry*, CNRS/MEAE, on the making of their own archives (Indology, Ecology, Indian Traditional Medicines) and the history of their French-Indian institution (en ligne)
Table-ronde: « Archives on the make, the making of archives », avec Laetitia Zecchini* (THAMIL, PI IRN Postcolonial Print Cultures), on the Pen India archives, suivie par une discussion portant sur le thème de l’après-midi.
Note d’intention du colloque
En contexte européen surtout, l’histoire des archives nationales et celle des pays dont elles sont censées préserver la mémoire, sont indissociablement liées. Créées afin de préserver et valoriser un certain patrimoine documentaire, elles le cristallisent et l’historicisent, devenant ainsi un outil institutionnel capable de définir implicitement les canons culturels et les récits pargagés par une nation.
À partir des années 1990 notamment, les chercheurs se sont de plus en plus intéressées au rôle joué par un tel dispositif dans la codification des cultures nationales. Au même moment, le public regagnait intérêt pour les coulisses du travail des écrivains comme des théoriciens, et un imaginaire lié à la genèse des ouvrages commençait à se repandre bien au-delà des usagers professionnels des archives.
Plus récemment, les énormes progrès accomplis dans le domaine de la numérisation ont permis à des milliers de collections de quitter virtuellement l’enclos des archives et d’être projetées dans l’infosphère globale. De plus en plus d’images d’archive sont désormais potentiellement accessibles depuis la planète entière, peuvant ainsi atteindre un public beaucoup plus vaste que celui qui avait accès aux salles de consultation, mais aussi beaucoup plus international et donc plus varié quant à ses pratiques et à ses savoirs de l’archive.
Le passage des rayonnages au World Wide Web offre à des millions d’utilisateurs potentiels les moyens de mieux s’approprier de leur propre héritage culturel, en même temps qu’il témoigne du caractère essentiellement transnational et interculturel de certains documents d’archives, avant leur cloisonnement dans des institutions nationales distinctes. Car, même à l’échelle nationale, l’histoire de la culture est marquée par les dynamiques d’échange, par les traductions et transferts, par les débats collectifs et les réseaux d’intellectuels.
À cet égard, les documents d’archives et les traces manuscrites témoignent des circonstances et des contextes linguistiques, culturelles et existentielles qui entourent le travail de production théorique, permettant de situer la production intellectuelle dans son contexte culturel, ainsi que de la comprendre en tant que résultat de connexions et d’interactions entre une pluralité de sujets.
À partir d’une telle perspective, les théoriciens, loin d’apparaître comme des sujets isolés dans leur travail de conception, apparaissent comme de grands « passeurs », des médiateurs entre différents univers de référence, permettant à leur lecteur de rencontrer et de se familairiser avec différentes traditions culturelles et disciplinaires. Car le discours théorique est le résultat d’échanges, de circulations et de partages de savoir dans le temps et l’espace.
Aujourd’hui, les outils de représentation numérique ayant rapidement évolué, les dimensions interculturelles et multilingues des archives intellectuelles sont susceptibles d’être mises en évidence par le biais d’interfaces en ligne et d’espaces web interconnectés. D’un point de vue technique, les outils numériques peuvent nous permettre de visualiser la circulation des concepts entre diverses collections et archives, les correspondances entre différents penseurs, les intersections entre les vocabulaires de différentes écoles de pensée. Toutefois, cela suppose l’élaboration de méthodes et de stratégies d’interprétation nouvelles en vue d’une représentation post-nationale des documents d’archives, plus fidèle à l’hybridité et au dynamisme originels de la production de concepts et de la théorie. Une telle représentation des archives de la philosophie et de la théorie, mettant en valeur la pluralité des sujets et analysant les collections comme autant de nœuds d’un réseau de circulations, d’échanges et d’interactions dépassant les frontières disciplinaires et nationales, est un défi pour les méthodologies actuelles, qu’il s’agisse de l’étude ou de la classification des manuscrits intellectuels.
Cette conférence vise à encourager une réflexion collective sur les méthodologies et les outils numériques qui pourraient nous permettre de mieux percevoir, au-delà et à travers les manuscrits, les figures intellectuelles et leurs trajectoires transculturelles, les histoires et leurs ancrages dans les contextes culturels, les réseaux et les pratiques collectives dans lesquels ils se sont inscrits. Outre donner une image différente de l’histoire des idées, une telle approche pourrait également produire des narrations plus intuitives, permettant à ces matériaux d’atteindre un public plus large et même non-universitaire.
L’événement réunira les acteurs principaux du réseau « AITIA – Archives of International Theory, an Intercultural Approach » et clôturera sa première phase de travail, tout en esquissant des perspectives de travail à venir.