L’architecture et l’art en tant que sources historiques : à la frontière entre sciences humaines et sociales

Une séance menée par Monika Brenišínová.

À lire :

  • Clifford Geertz, « Art as Cultural System », MLN 91 (6), 1976,            p. 1473-1499.
  • George Kubler, « History: Or Anthropology: Of Art? », Critical Inquiry, 1(4), 1975, p. 757-767.

Les discussions théoriques sur l’architecture révèlent bien la diversité d’approches possibles. De la perspective classique à celle historique de l’histoire de l’art, on peut identifier au moins trois méthodes d’enquête : la recherche archéologique en construction (BauforschungA. von Gerkan, soit en tchèque SHP, D. Líbale) ; les analyses critico-stylistiques et historico-stylistiques (H. Wölfflin, H. Focillon, M. Dvořák) ; l’analyse sémantique (G. Passavant, E. Hubala). Et si l’on considère l’art en général, l’affaire se complique encore. Sachant que même les historiens de l’art n’ont pas trouvé de consensus pour définir l’art en tant que tel, qu’en est-il lorsqu’on considère l’art du point de vue d’une autre discipline scientifique ? Lorsque nous concevons l’art comme une source de l’histoire, les catégories traditionnelles de l’histoire de l’art comme le point de vue esthétique, l’imaginaire de l’auteur, les styles ou les topoï perdent aussitôt leur sens. De plus, le travail historique avec les sources visuelles est majoritairement interprétatif et requiert une approche critique. D’où une position à la frontière entre sciences humaines et sciences sociales : un espace marginal entre les limites clairement définies des disciplines, où temps et espace changent de forme et où d’autres disciplines – comme l’anthropologie – peuvent être mises en jeu.

La régulation du lobbying en Europe centrale

Dans le cadre du séminaire commun IMS – CEFRES « Entre aires et disciplines », Jana Vargovčíková (CEFRES-FF UK) présentera ses recherches de doctorat sur Les modes de la légitimation du lobbying en Europe centrale et leurs ambivalences. Sa présentation sera discutée par Pierre Lascoumes, directeur de recherche émérite du Centre d’études européennes (CEE), spécialiste notamment de la corruption politique, les évolutions récentes des politiques de développement durable et de ses institutions, et les formes contemporaines de criminalité économique.

: Bibliothèque du CEFRES, Na Florenci 3.

Langue : anglais.

Usages de l’analogie dans les sciences humaines et sociales

Une séance menée par Lara Bonneau.

À lire :

  • Gilbert Simondon, L’individu et sa genèse physico-biologique, Paris, PUF, 1964, p. 264-268.
  • Alan Sokal, « A Physicist Experiments with Cultural Studies », Lingua Franca, mai-juin 1996, URL : http://linguafranca.mirror.theinfo.org/9605/sokal.html
  • Aby Warburg, Miroirs de faille, A Rome avec Giordano Bruno et Edouard Manet, Paris, Presses du réel/L’écarquillé, 2011, p. 62, 64.

La transdisciplinarité peut être conçue comme le partage d’objets et de méthodes par diverses disciplines. Outre ces objets et méthodes, elle peut aussi – et c’est peut-être sa première forme –  impliquer le partage d’un vocabulaire commun. La tendance de certaines sciences humaines, et de la philosophie en particulier, à utiliser des concepts élaborés par d’autres disciplines dans d’autres contextes, a été vivement critiquée par Alan Sokal en 1994, à l’occasion de ce que l’on continue d’appeler aujourd’hui « l’affaire Sokal ». Le physicien essaya de discréditer la réappropriation par certains philosophes de concepts appartenant aux sciences naturelles, en montrant leur ignorance sur la signification réelle de ces concepts dans leur champ d’origine et ainsi faisant, en réduisant leurs travaux à de vains jeux linguistiques. En effet, le recours à l’analogie et à la métaphore dans les sciences humaines mérite une approche critique. Dans cette séance, j’essaierai de montrer que, s’il n’est pas sans danger, cet usage de l’analogie et de la métaphore est inhérent à l’activité scientifique, qui peut être à la fois légitime et fructueux. Je commencerai en donnant un exemple concret à travers les emprunts analogiques et métaphoriques au champ des sciences naturelles faits par l’historien de l’art Aby Wargurg. Je m’appuierai ensuite sur un texte plus réflexif de Simondon sur la légitimité de cette méthode, intitulé Théorie de l’acte analogique dans son ouvrage L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information.

Séminaire historique franco-tchèque : Elisabeth Gaucher-Rémond

Lieu : Faculté des lettres, nám. Jana Palacha 2, salle 201

Organisateurs : FF UK & CEFRES

À partir de figures légendaires devenues célèbres pour leurs tribulations avec le diable, les deux conférences proposent une réflexion sur le rôle de l’altérité dans la construction du sujet. Il s’agira de souligner l’opposition entre celui qui met tous ses efforts à arracher son âme à l’emprise de Satan et celui qui se plaît à jouer avec son démon dans l’espoir de connaître la peur. En replaçant ces légendes dans les divers héritages culturels qu’elles véhiculent, sans s’interdire quelques échappées vers des réécritures postmédiévales, on interrogera l’évolution des croyances qui s’y rattachent : du diable terroriste au démon impuissant.

Robert le Diable ou le refus de l’hérédité diabolique

Après un rapide exposé des influences historiques, mythiques et littéraires dont a pu s’inspirer le récit médiéval (XIIIe siècle), on s’intéressera plus spécifiquement aux conditions de l’accès à la sainteté que retrace l’histoire de l’enfant né du diable et aux traces d’intertextualité qu’elle atteste avec d’autres récits de conversion de la même époque.

Richard sans Peur ou le jeu avec le diable

Persécuté par un démon qui l’entraîne dans des aventures nocturnes, ce héros du XVe siècle, fils supposé de Robert le Diable, se caractérise par une intrépidité qui le rend indifférent à l’enjeu métaphysique de la rencontre surnaturelle. Il s’agira de réfléchir à la signification que revêt l’absence de peur à la fin du Moyen Age, tant au niveau de la parodie littéraire qu’à celui de l’exemplum moral.

Ancienne élève de l’École Normale Supérieure (Paris), Professeur de littérature et langue françaises du Moyen Âge à l’université de Nantes, Élisabeth Gaucher-Rémond est titulaire d’une licence d’histoire et d’une agrégation de Lettres. Après une thèse sur les biographies chevaleresques du XIIIe au XVe siècle (Champion, 1994), elle continue à explorer les interférences du réel et de l’imaginaire dans des récits historico-légendaires (Robert le Diable, Richard sans Peur) et dans la représentation de l’individu (programme interdisciplinaire MEDIEVARS). Elle prépare actuellement un essai sur les Formes autobiographiques dans la littérature médiévale et une édition de Richard sans Peur.

Sélection bibliographique

  • La Biographie chevaleresque. Typologie d’un genre (XIIIe-XVe s.), Paris, Champion, 1994 (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge, 29).
  • Robert le Diable. Histoire d’une légende, Paris, Champion, 2003 (Essais sur le Moyen Âge, 29).
  • Robert le Diable, édition bilingue. Publication, traduction, présentation et notes, Paris, Champion, 2006 (Champion Classiques / Moyen Âge, 17).
  • Richard sans Peur, duc de Normandie : entre histoire et légende. Actes du colloque organisé au Havre par Laurence Mathey-Maille et Élisabeth Gaucher-Rémond, 29-30 mars 2012. Annales de Normandie, 64e année, n°1, janvier-juin 2014.
  • « La parodie du fantastique dans Richard sans Peur », « Furent les merveilles pruvees et les aventures truvees » (Hommage à Francis Dubost), Paris, Champion, 2005 (Colloques, congrès et conférences sur le Moyen Âge, 6), p.247-261.
  • « Les recettes du diable : le pouvoir et l’argent dans Richard sans Peur», Le prince, l’argent, les hommes au Moyen Âge (Mélanges offerts à Jean Kerhervé), Presses Universitaires de Rennes, 2008, p.323-330.
  • « Tentations et mariage sataniques dans Richard sans Peur : le détournement des modèles allégoriques et féeriques », Cahiers de Recherches Médiévales, 15 (La Tentation du parodique dans la littérature médiévale, études réunies par E. Gaucher), 2008, p.73-85.
  • « Robert le diable ou le ‘criminel repentant’ : la légende au miroir des récits de conversion », La légende de Robert le Diable du Moyen Âge au XXe siècle. (Actes du colloque de l’Universités de Caen (17 et 18 septembre 2009) édités par L.Mathey-Maille et H. Legros), Orléans, Paradigme, 2010, p.27-41.
  • « Les semblances du diable dans Richard sans Peur », Revue des langues romanes, CXIV, n°2 (Le déguisement dans la littérature française du Moyen Âge, textes réunis par J. Dufournet et C.Lachet), 2010(2), p.391-413.
  • « À propos des réécritures : Richard sans Peur, roman de l’ironie ?», Richard sans Peur, duc de Normandie : entre histoire et légende. Actes du colloque organisé au Havre par L.Mathey-Maille et E. Gaucher-Rémond, 29-30 mars 2012. Annales de Normandie, 64e année, n°1, janvier-juin 2014, p.215-228.
  • « Tentation de la chair, séduction de l’esprit : Richard sans Peur et le modèle érémitique », Chaire, chair et bonne Chère (Hommage à Paul Bretel), Presses Universitaires de Perpignan, 2014, p.21-34.
  • « Saint Julien l’Hospitalier et Robert le Diable », Hagiographie, Imaginaire, Littérature(Mélanges offerts à Jean-Pierre Perrot),  Université de Savoie, coll. « Écriture et représentation », n°28, 2015, p.127-143.

Quantifier la vie et la mort : statistiques sociales et espérance de vie sous la Double Monarchie

Dans le cadre du séminaire commun IMS – CEFRES « Entre aires et disciplines », Mátyás Erdélyi (CEU, Budapest & CEFRES) présentera ses recherches de doctorat sur la formation d’une classe moyenne productiviste dans la monarchie habsbourgeoise. Sa présentation sera discutée par Wolf Feuerhahn, chercheur au CNRS, co-directeur du Centre Alexandre Koyré et rédacteur en chef de la Revue d’histoire des sciences humaines.

: Bibliothèque du CEFRES, Na Florenci 3.

Langue : anglais.

Étudier l’État à travers le scandale : de la valeur épistémique de la transgression

Une séance menée par Jana Vargovčíková.

À lire :

  • Damien de Blic & Cyril Lemieux, « Le scandale comme épreuve », Politix 71 (3), 2005, p. 9-38.
  • Akhil Gupta, « Blurred Boundaries: The Discourse of Corruption, the Culture of Politics, and the Imagined State », American Ethnologist 22 (2), 1995, p. 375-402.
  • Chris Jenkins, « Transgression: The Concept »,  Architectural Design 83 (6), 2013.

‘In olden days a glimpse of stocking was looked on as something shocking. Now, heaven knows, anything goes.’ (Cole Porter).

Loin d’être de simples anomalies ou des accidents, les transgressions sont conditionnées et rendues signifiantes par les normes. Aussi les normes réaffirment-elles constamment leur légitimité et leur sens propre en s’opposant aux transgressions. Ce que l’on considère comme une transgression, et le moment où celle-ci gagne la possibilité d’être transformée en scandale, sont tout relatifs, comme le dit la chanson. Compte tenu de l’imbrication entre normes et transgressions, les philosophes et les chercheurs en sciences sociales se sont intéressés à des cas de transgression afin de comprendre l’ordre, les normes sociales et les institutions et d’analyser la nature de la distinction qui les sépare (cf. Foucault, Becker, Hughes, Goffman). En mettant de côté les préconceptions normatives, le sociologue ou le politologue peuvent apprendre de l’anthropologue et considérer les transgressions dans le champ politique comme des indicateurs de la structure (symbolique, mais pas seulement) de l’État. Les scandales politiques, en tant que récits d’événement taxés de transgressifs, représentent justement un chemin pour comprendre la façon dont un corps politique organise les limites de ses normes (De Blic & Lemieux) et la façon dont les citoyens se positionnent face à l’ordre politique (Gupta).