Depuis près d’un demi-siècle, l’histoire des sciences s’est affranchie du schéma d’un progrès linéaire qui mènerait les hommes de science de découverte en découverte. Au moment de leur introduction dans le discours scientifique, les concepts de paradigme et de révolution scientifique, mais aussi celui d’épistémè, par exemple, ont témoigné d’une attention nouvelle portée aux ruptures qui affectent l’histoire des savoirs. Au-delà du débat sur la place respective de la continuité et de la discontinuité, l’intérêt de travaux comme ceux de Canguilhem ou de Foucault, est d’avoir attiré l’attention sur la dimension proprement événementielle de l’histoire du savoir : leur construction ne doit pas être décrite comme une marche plus ou moins rapide vers la vérité, mais comme une série d’apparitions de pratiques, de problèmes ou de concepts dont il faut à chaque fois décrire le contexte théorique, social et politique. Aujourd’hui, l’épistémologie historique de Lorraine Daston ou encore l’ontologie historique de Ian Hacking prolongent ces interrogations : quel impact ces événements scientifiques ont-ils sur le monde que nous habitons ? Dans quelle mesure leur mode d’appréhension et de conceptualisation affecte-t-il les objets eux-mêmes ? Comment les normes du savoir scientifique elles-mêmes (par exemple l’« objectivité ») ont-elles été élaborées ?
Au moment où les « inventions », les « constructions », les « généalogies » (des objets, des classifications, des objets et des pratiques épistémiques, ou encore des problèmes) figurent au cœur de nombreux travaux, nous souhaitons ébranler la préférence ainsi manifestée pour le versant « constructif » de l’histoire et attirer l’attention sur un phénomène quant à lui moins abordé, pour ne pas dire négligé : celui des « disparitions ». Disparition n’est pas absence : comment le savoir abandonne-t-il ses objets ? Quelles transformations ces derniers subissent-ils, de quelles dégradations se font-ils victimes, combien pénible est leur course à la perte ? Ces questions revêtent une importance particulière pour des disciplines dans lesquelles les grandes ruptures et les révolutions scientifiques sont difficiles à repérer, comme c’est le cas pour les sciences sociales.
Le Centre d’histoire et de théorie de la sociologie (Faculté des sciences sociales de l’Université Charles, Prague), en collaboration avec le CEFRES, propose aux chercheurs en philosophie, mais également issus de toutes les disciplines des sciences sociales, une journée d’études consacrée à ce thème.
Avec la participation du professeur Olivier Clain, Université Laval (Québec).
Date prévue : cca 21 octobre 2015.
Contact : Jan Maršálek – marsalek@flu.cas.cz