Un projet mené dans le cadre du programme TANDEM développé par l’Académie tchèque des sciences, l’Université Charles et le CEFRES/CNRS réunis au sein de la Plateforme de coopération et d’excellence en sciences humaines et sociales.
L’interaction d’acteurs humains et non humains – personnes et animaux, plantes, champignons, bactéries, virus, mais aussi dispositifs technologiques et agents chimiques, entre autres – est un sujet de préoccupation émergent pour les sciences humaines et sociales. Des disciplines telles que l’anthropologie, la géographie humaine et les STS se concentrent sur la manière dont ces enchevêtrements façonnent et forment la réalité sociale, sur la manière dont ils sont conceptualisés, mais aussi leurs effets pratiques.
Malgré ces évolutions, l’espace domestique est toujours perçu, étudié et pensé comme un lieu proprement humain. Or les non-humains, animés ou inanimés, doivent encore être plus nettement insérés dans la définition, commune et académique, de l’espace domestique.
Le projet Un espace domestique multi-espèces: comment humains et non-humains co-habitent à l’ère des crises vise à combler cette lacune, en s’efforçant de re-conceptualiser notre compréhension du foyer et d’explorer ce qu’un tel changement de perspective implique : ce qu’il signifie et quel est son potentiel face aux crises environnementales à long terme et aux crises sanitaires soudaines, telles que le changement climatique global ou la pandémie de COVID-19.
En réponse au rôle souvent négligé des non-humains dans la vie et le(s) habitat(s) humains, le projet tente de penser l’habitat au-delà des espèces, pour une meilleure compréhension des défis et des transformations auxquels l’humanité moderne est désormais confrontée.
Le projet est basé sur l’exploration empirique et conceptuelle de cas contemporains, en République tchèque et en France, et les relie à des développements plus larges à l’échelle globale. Les études s’intéressent à la manière dont les non-humains animés – les animaux et les plantes en particulier – font partie de la maison et de la domesticité, les façonnent, les soutiennent et les transforment, et sur le rôle des technologies dans ces enchevêtrements. Ces explorations ont pour but de permettre au projet d’appréhender la dimension matérielle et imaginative de la domesticité contemporaine et moderne, tout en gardant à l’esprit les questions de pouvoir et d’identité ainsi que le caractère multi-scalaire du foyer.
Le projet s’interroge en outre sur la façon dont les chercheurs en sciences sociales peuvent étudier de manière renouvelée le foyer contemporain, post-anthropocentrique, dans ses formes diverses et locales. Ce projet propose également des apports concrets pour un habitat plus inclusif et durable, tant au niveau local que planétaire, en s’appuyant sur des exemples particuliers de cohabitation entre humains et non humains.
En somme, le projet soulève les questions suivantes :
Comment pouvons-nous, en tant que scientifiques se consacrant à l’étude des humains (et de leur habitat), réfléchir à la rencontre avec les non-humains dans et autour de l’espace domestique ? Quels nouveaux terrains conceptuels peuvent être ouverts en invitant des non-humains dans notre réflexion sur les habitats humains ? Comment les sciences sociales peuvent-elles, au plan épistémologique et méthodologique, mieux approcher les complexités non humaines des habitats ? Et surtout : comment la reconnaissance des enchevêtrements entre humains et non humains remet-elle en question les conceptions de sens commun autant que les définitions académiques du domestique ?
À l’initiative de Petr Gibas, chercheur de l’Académie des sciences tchèque et de l’Institut de sociologie, et de Chloé Mondémé, sociologue au CNRS.