Justice et mémoire après la dictature.
Comment l’Europe orientale et l’Amérique latine ont transformé le droit international
3e session du Séminaire du CEFRES
Date : mercredi 16 mars 2022 à 16h30
Lieu : au CEFRES et en ligne (pour vous inscrire, écrivez à l’adresse : claire(@)cefres.cz)
Langue : anglais
Discutants: Raluca Grosescu (SNSPA, Bucarest), Eva-Clarita Pettai (Imre-Kertész Kolleg)
Modération: Anemona Constantin (CEFRES)
Résumé
“Cette recherche envisage la façon dont les juridictions nationales d’Amérique latine et d’Europe centrale et orientale ont mis à l’épreuve et transformé le droit international pénal lors de procès contre d’anciens dirigeants autoritaires à la suite de la “troisième vague“ de démocratisation. À l’inverse de l’approche centrée sur les Nations Unies qui a longtemps dominé la recherche sur le droit international pénal, j’explore le rôle desdites “semi-périphéries“ du système international dans le façonnement des normes mondiales. Je montre la façon dont les acteurs légaux des deux régions ont créé une lecture nouvelle du droit international pénal et contesté l’ordre légal international existant qu’ils considèrent incapable de gérer la violence de leurs passés.
Ces réinterprétations répondent à la volonté de surmonter une impunité spécifique à certains contextes nationaux et au souci de construire une mémoire légale internationale qui inclurait les répressions de masse perpétrées par les dictatures communistes et militaires. En adoptant une perspective socio-historique du processus législatif international, la recherche dépasse le cadre purement légaliste et souvent normatif de l’application du droit international pénal. Elle permet de montrer que le droit est socialement construit par différents acteurs en fonction de leur éducation légale mais aussi en fonction du récit historique que ceux-ci veulent écrire concernant les anciens régimes autoritaires. En me basant sur plusieurs études de cas, de l’Estonie à la Bulgarie et du Guatemala à l’Argentine, j’examine les interventions législatives de l’Europe centrale et orientale et l’Amérique latine sous quatre aspects : 1) l’expansion de la définition du génocide, 2) une lecture plus versatile du principe de non-rétroactivité, 3) le développement du principe de juridiction universelle et 4) la résistance à l’obligation de poursuivre.
Dans cette présentation, je me concentrerai sur l’argument, la structure et l’innovation de ma recherche et sur le sujet spécifique de la juridiction universelle. J’examine deux façons contrastées d’internationaliser la justice et leur impact sur le système international. Je soutiens que les acteurs d’Europe centrale et orientale se sont mobilisés au niveau européen où ils ont – sans succès – fait pression pour que soit établi un tribunal international pour les crimes communistes, ce qui aurait permis de faire un parallèle avec le procès de Nuremberg et aidé à mettre sur un pied d’égalité le nazisme et le communisme. À l’inverse, l’intégration moindre des pays de l’Organisation des États américains par rapport à l’Union européenne, et l’absence d’un traumatisme américain au 20ème siècle comme le fut l’Holocauste, a conduit les activistes latino-américains à s’engager à un niveau plus international. Ceux-ci ont sollicité des poursuites dans des tribunaux étrangers (par exemple en Espagne, en France, en Allemagne et aux États-Unis) basés sur une juridiction universelle, ce qui a permis de contribuer au développement du principe du droit international.
Auteur de l’illustration: ©Dan Perjovschi