La popularisation du divertissement des Lumières au modernisme: d’ouest en est ?

Colloque international organisé par l’UMR EUR’ORBEM et le CEFRES

: Maison de la Recherche – 28 rue Serpente, 75006 Paris.

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Argumentaire

Le colloque a pour but d’éclairer le passage d’ouest en est de formes « classiques » de la culture du divertissement consacrées depuis la Renaissance : genres littéraires (héroïcomique, parodie, satire, épigramme etc.), media (revues, feuilles volantes, volumes, théâtre, cabaret, photographie, cinéma) et modalités (cultures canonisées, cultures fortuites, phénomènes de mode etc.). Ces formes sont souvent référées à des précédents antiques et retravaillées par les cultures de l’Europe occidentale (italienne, espagnole, française, anglaise). Souvent transmises par la culture allemande dans l’espace est-centre-européen, elles peuvent à leur tour devenir des modèles. Dans quelle mesure ces formes sont-elles imitées, adaptées, parodiées ?

On tentera de qualifier ce passage : s’agit-il de réception, dans la logique de l’école de Constance, pour laquelle, selon Ingarden et Iser, le lecteur participe à la constitution de l’objet dont il s’approprie ? De transfert culturel, étayé, selon Michel Espagne et Michael Werner, non seulement par la diffusion des œuvres mais aussi grâce à des pratiques culturelles et un réseau d’institutions et de sociabilités (écoles et universités, cercles de lecture et bibliothèque, associations, etc.) qui les rendent possibles ? Ou faut-il, dans la logique d’études postcoloniales appliquées à la redéfinition du champ culturel transeuropéen, parler d’acculturation et de diffusion de modèles de cultures dominantes ?

Le critique peut s’engager dans l’une de ces voies ou tenter de les concilier. Dans tous les cas, il est invité à comprendre les réseaux et les modes de circulations par lesquels ces modèles sont diffusés et à identifier la culture qui leur est confrontée : quelle est-elle ? S’agit-il d’une « culture locale », « populaire », destinée à subsister à leur rencontre comme un « substrat » ? Existe-t-il par ailleurs une culture érudite se légitimant par l’héritage classique et surtout antique, voire pour se distinguer du canon occidental ? Comment peut-on parler de réception, voire d’intégration des sources divergentes de ces formes ? Par exemple, le récit auto-référentiel « à la Sterne », « à la Diderot », consacrant l’ironie du narrateur en élément essentiel du texte, intègre-t-il (ou non) des éléments propres aux cultures d’Europe centrale et orientale auxquelles il s’impose : motifs, personnages, dispositif rhétorique propres à leurs textes canoniques, mais aussi à leur folklore et leur culture orale ? Quels sont les itinéraires par lesquels ses modèles se diffusent (on pense notamment au « modèle russe » irradiant en retour toute la deuxième moitié du XIXe siècle) ?

Ce colloque est conçu comme le premier volet d’un programme de recherche intitulé « Les cultures du divertissement, circulation des modèles et des pratiques. Une autre histoire européenne, d’Ouest en Est, des Lumières aux Guerres mondiales ». Il a pour but d’évaluer la part qu’a occupée le divertissement dans les cultures d’une Europe moderne et contemporaine. On entend parcourir grâce à une méthodologie interdisciplinaire le spectre sémantique du terme « divertissement » dans toute son ampleur, allant du plan théologique et métaphysique (le divertissement comme inscription dans le monde, contre le Ciel) jusqu’au registre de la futilité et des plaisirs simples de la distraction : entre ces deux extrêmes, une multiplicité de synonymes (diversion, subversion, loisir, oisiveté), une multiplicité de stratégies, de pratiques, et d’institutions sociales. Dans quelle mesure constituent-elles l’envers de la grande histoire, et des grands récits que l’on en fait ?

Nous supposons que les cultures du divertissement ont initié les sociétés à une transgression des conventions. Cette transgression aurait opéré sur des images tabous représentatives de l’ordre (les institutions de pouvoir et de contrôle, etc.), générant des pratiques qui suscitent ensuite des sociabilités alternatives. Elle peut fluctuer entre divers registres – ironie, dérision, blasphème – et est une épreuve pour la société : à la fois un défi, et une pierre de touche pour les contemporains.

Nous souhaitons que ce premier colloque soit l’occasion de concevoir un ambitieux programme de recherches interrogeant les transferts culturels dans toute leur ampleur européenne. Les participants au colloque seraient amenés à rejoindre une équipe européenne destinée à déposer à répondre à un appel à projet de recherche (type ANR, ERC, H2020).

Contacts : Xavier Galmiche – Xavier.Galmiche@paris-sorbonne.fr ; Clara Royer – clararoyer@cefres.cz.