Les politiques de la faim. Séminaire NaNo #5

Les politiques de la faim. Holodomor et au-delà. Séminaire NaNo #5

Cinquième rencontre du séminaire « Nature(s) et normes » (NaNo), réalisé dans le cadre du programme de recherche SAMSON (Sciences, Arts, Médecine et Normes Sociales), développé par l’Université de la Sorbonne (Paris), la Faculté des lettres de l’Université Charles (Prague), l’Université de Varsovie et le CEFRES accueille trois participant.es : Luba JURGENSON (CNRS / Sorbonne Université),  Stanislav TUMIS (Département des études est-européennes, Faculté des lettres, Université Charles) &  Libuše HECZKOVÁ comme discutante.

Lieu : Bibliothèque du CEFRES et en ligne (zoom)
Pour obtenir le lien : cefres[@]cefres.cz
Date : vendredi 24 février, 16 h 30
Langue
: anglais

Première partie :
Luba Jurgenson, Eur’ORBEM (CNRS / Sorbonne Université)
Une culture des normes : biopouvoir au service de la terreur

Résumé : Cette présentation à pour objectif d’interroger les normes développés par l’Etat soviétique, particulièrement pendant la période stalinienne, pour contrôler la relation entre le produit du travail des citoyens et la nourriture qu’ils sont autorisés à consommer. Elle vise à s’emparer en particulier de la situation des populations considérées comme fautives ou criminelles, à savoir les paysans qui s’opposent (ou sont censés s’opposer) à la collectivisation et les détenus du Goulag. La faim est une arme politique et un moyen de séparer les corps légitimes (travailleurs, défenseurs de la patrie) des corps illégitimes (ceux des « ennemis », « saboteurs », « parasites » et autres individus qui ne méritent pas de manger), le corps « sain » de la société de son corps « malade » ; l’échange entre le citoyen et l’État étant construit sur le mode d’une rétribution négative qui consiste à prélever ce qui est jugé manquant dans le produit de son travail sur le corps même du travailleur (et des membres de sa famille) jusqu’à la confiscation finale de ces corps eux-mêmes.

Luba Jurgenson est professeur de littérature russe du XXe siècle à l’Université de la Sorbonne et directrice de l’unité mixte de recherche (UMR 8224, CNRS=Sorbonne) Centre scientifique Eur’ORBEM. Ses recherches portent sur la mémoire et les représentations de la violence de masse en Europe centrale et orientale. Parmi ses publications récentes, citons L’œil-soupir. Chemins de Varlam Shalamov (2022), Paysages de la mémoire (catalogue de l’exposition, Mémoires en jeu, avec Philippe Mesnard, 2020) ; Goulag, témoignages et archives, avec N. Werth, 2017).


Seconde Partie :
Stanislav Tumis, Département des études est-européennes, Faculté des lettres, Université Charles
La famine en Ukraine. Objet de débat scientifique contemporain et élément de la conscience historique ukrainienne.

Résumé: L’article aborde le débat académique contemporain sur la famine ukrainienne et tente de comprendre pourquoi le sujet de la famine des années 1930 est devenu non seulement une partie de la recherche scientifique ukrainienne, russe et occidentale, mais aussi de plus en plus une partie de la discussion générale mondiale.Tout d’abord, nous expliquons comment le thème de la famine « ukrainienne » et ses différentes interprétations sont entrés dans le débat scientifique mondial après la publication du célèbre livre Harvest of Sorrow de Robert Conquest, qui a thématisé et développé la discussion houleuse sur le caractère génocidaire ou non de la famine. Après la révolution orange, et plus encore après l’Euromajdan, la famine en tant que génocide est devenue en Ukraine l’un des thèmes centraux de la formation de l’identité nationale, fortement opposée à l’héritage soviétique (russe). Elle a suscité de vives protestations de la part des universitaires et des politiciens russes. L’Holodomor est d’autant plus entré  dans le débat européen et occidental et a été projeté comme un goulag ukrainien, ou comme une variante de l’Holocauste, un symbole du « mal absolu » et de la destruction du totalitarisme soviétique et donc un antipode du totalitarisme nazi.

Voir le programme complet du séminaire ici.