Making Hungary Great again. Les ironies de la mémoire globale de l’Holocauste et l’agression des réfugiés

Conférence de Raz Segal (Holocaust and Genocide Studies, Stockton University, New Jersey), dans le cadre du séminaire d’histoire contemporaine des Juifs organisé par l’Institut Masaryk et les Archives de l’Académie tchèque des sciences, l’Université  Charles, le Prague Center for Jewish Studies et le CEFRES.

Lieu : Bibliothèque du CEFRES – Na Florenci 3, Prague 1
Horaires : 16h-17h30
Langue : anglais

Présentation

Cette conférence analysera le lien paradoxal qu’il existe entre la mémoire globale de l’Holocauste et l’agressivité actuelle contre cet « autre » ultime de l’État-nation : les réfugiés. Elle explorera plus particulièrement l’utilisation qui est faite aujourd’hui en Hongrie des éléments centraux de la culture mémorielle mondiale de l’Holocauste dans le but de continuer à promouvoir l’idée d’une « Grande Hongrie » ethno-nationale. Cette vision est celle qui a conduit l’État hongrois pendant la Seconde Guerre mondiale à perpétrer des violences génocidaires contre les Juifs, les Roms et d’autres groupes perçus par l’État comme dangereux, étrangers ou, pour une raison ou une autre, « non hongrois ». Cette vision vise désormais aussi les réfugiés.

Le gouvernement hongrois affirme que l’Holocauste était uniquement un projet nazi, de sorte que la violence et la destruction anti-juives perpétrées pendant la guerre en Hongrie ne sont en aucun cas le résultat de la construction de la nation et de l’État hongrois. Cet effacement de la violence étatique reflète ironiquement une idée centrale de la culture mémorielle globale sur l’Holocauste : il s’agissait d’un événement unique, car le nazisme et l’antisémitisme nazi étaient des phénomènes uniques, sans aucun rapport avec l’État moderne. Ainsi, le gouvernement hongrois présente aujourd’hui avec cynisme comme des Juifs hongrois annihilés par la seule Allemagne nazie, les Juifs qui vivaient dans les régions frontalières de la Hongrie pendant la guerre – et que l’État avait déclarés étrangers et dangereux et contre lesquels il avait lancé une attaque génocidaire.

Cette distorsion historique conforte la revendication de la Hongrie sur les territoires « perdus » de la « Grande Hongrie » qui font aujourd’hui partie de l’Ukraine, de la Roumanie et de la Serbie. Effacer la violence d’État de l’histoire de la Hongrie permet donc au gouvernement de mettre la mémoire globale de l’Holocauste au service de cette même vision politique qui exclua les Juifs et les destina à la destruction. Elle brouille également le discours politique antisémite virulent de ces dernières années, qui établit un lien entre Juifs et réfugiés. Elle présente en effet les Juifs comme une menace à cause de leur prétendue tentative de détruire la Hongrie en soutenant l’entrée des réfugiés dans l’État. La conférence s’efforcera de dénouer cette situation paradoxale.