Trajectories des migrations roms et mobilités en Europe ou hors d’Europe

Colloque international

Date et lieu : 16-18 septembre 2019, Villa Lanna, Prague
Organisateurs : Prague Forum for Romani Histories, en collaboration avec le Séminaire d’études roms du département des études centre-européennes de l’Université Charles, la Faculté de sciences sociales et d’économique de l’Université Valle ainsi qu’avec le Jack, Joseph and Morton Mandel Center for Advanced Holocaust Studies du United States Holocaust Memorial Museum et le CEFRES
Langue : anglais

Le colloque rassemblera des chercheurs d’horizons disciplinaires diverses pour rendre compte à partir d’études empiriques des dimensions multiples des mobilités roms depuis 1945 et analyser les interconnexions existant entre les différentes formes de mobilité des groupes roms par le passé et celles des mouvements récents.

Depuis une dizaine d’années, un nombre croissant de projets de recherche, de publications et de média se sont penchés sur les migrations et les mobilités des Roms. Ces études n’ont néanmoins que rarement envisagé les continuités historiques et les trajectoires sociales qui donnent aux mouvements migratoires leurs formes actuelles. Des études sociologiques et anthropologiques ont rendu compte des stratégies contemporaines des migrants roms, de la construction de classifications et des politiques dont dépendent ces mobilités. Le trope du nomadisme reste présent dans les discussions comme concept fondateur (souvent sous la forme d’un simple lieu commun) que les chercheurs adoptent ou combattent dans leurs argumentations. Nous invitons les chercheurs à remettre en question l’utilité et les limites de cette dualité et à la dépasser en considérant qu’une grande partie des communautés roms appartiennent en Europe à la population sédentaire locale et en analysant à nouveau frais, à l’aide de nouveaux concepts, le mouvement, les circulations et les migrations de l’après-Seconde Guerre mondiale, ainsi que les mobilités sociales et existencielles qui les accompagnent.

La conférence souhaite apporter une contribution au champ de recherche aujourd’hui naissant des études comparées des mobilités roms en portant un regard croisé sur la seconde moitié du XXe siècle.  Tandis que les recherches les plus récentes ont mit en lumière les souffrances et les persécutions des Roms durant la Seconde Guerre mondiale, l’après-guerre n’a pas bénéficié de la même attention. C’est le cas, par exemple, de la question du retour des Roms dans leurs foyers détruits, des tentatives gouvernementales de réinstallation ou de dispersion forcées des Roms, mais aussi des migrations internes, de travail ou autres, d’individus en quête d’une vie meilleure et séduits par les multiples opportuniés offertes par les grandes villes industrialisées. C’est le cas encore des trajectoires induites par les « programmes de compensation » mis en place par différents organismes étatiques ou internationaux.

Au sein des minorités persécutées, dont les Roms, beaucoup placèrent l’espoir d’un avenir meilleur dans les projets massifs de restructuration des États européens. En Europe centrale, orientale et sud-orientale, la plupart des Roms, comme d’autres, aspiraient à une plus grande mobilité sociale et une participation entière à la société socialiste. Néanmoins, les projets socialistes d’égalité sociale et d’améloriation du « bien commun » s’accompagnèrent eux aussi de déplacements forcés et de diciplination des corprs pour transformer les membres des communautés roms/tsiganes en citoyens des classes laborieuses.

Les aspirations et les trajectoires des mobilités (sociales) des Roms de l’ouest de l’Europe demeurent elles aussi largement méconnues ainsi que la part des mobilités Est-Ouest des Roms dans l’Europe divisée. Nous disposons encore de peu d’études plaçant les mobilités sociales roms dans le cadre des grandes transformations de l’après-guerre, qu’il s’agisse des relations de genre, des (re)négociation des traditions à l’intérieur et entre les communautés, ou encore des mécanismes et des dispositifs de renégociations identitaires roms, en particulier face aux stigmatisations.

Nous invitons donc les participants à analyser les mobilités les plus variées et la façon dont elles entrent en conflit ou en phase avec l’évolution de ce qui constitue les conditions de ces mobilités, aussi bien comprises comme des mouvements physiques de populations que comme des changements de position sociale. Les organisateurs souhaient initier en particulier une discussion théorique et empirique sur les mobilités comme modes de dispersion et de regroupement entre les mobilités forcées et celles, arrachées au contraire, qui initient des mouvements et des espaces autonomes.

Thèmes et de la conférence

La conférence souhaite rassembler des études ancrées dans des recherches empiriques historiques explorant différents types de mobilités en Europe et au-delà. En plaçant ces mobilités dans un contexte politique, social, historique et culturel élargi, les participants sont invités à rendre compte de migrations volontaires aussi bien que forcées et à dégager des types de mobilités  saisonnières ou autres (existencielles, physiques, sociales par exemple) réagissant soit à une oppression soit à l’ouverture de nouvelles possibilités.

Nous engageons en particuliers les personnes intéressées à envisager plusieurs ou une des questions suivantes :

  • Les diverses trajectoires et modes des mobilités roms depuis 1945
  • Le mouvement comme façon d’échapper à l’oppression ou à l’asymétrie des conditions et de saisir de nouvelles possiblités de mobilité sociale
  • Etudes croisant mobilités et différenciations de genre, de classes ou ethniques ou d’autres dimensions de domination sociale
  • Les interconnexions entre les mobilités et les formes de violences (physique, symbolique, quotidienne, structuelle)
  • Les migrations roms et les politiques socialistes modernistes : les stratégies déployées en vue d’une ascension sociales ; programmes de déplacements et de relocalisations forcés
  • La mobilité entre, d’un côté, les politiques d’oppression et les regroupements ou dispersions raciales, et de l’autre la resistance et résilience des individus et des groupes roms
  • Les mouvements pour les droits civiques et politiques des Roms et leur relation avec les mobilités sociales et physiques
  • Continuités et ruptures dans les migrations : situer les mouvements actuels dans les trajectoires passées des migrations et mobilités
  • Les problèmes méthodologiques de l’histoire du présent des migrations et des mobilités roms
  • Essai de conceptualisation et de révision critique des migrations et des mobilités au-delà du concept de nomadisme et des tropes étatiques traditionnels ; remise en question des différents modes de vie, au-delà de l’affirmation d’une « promptitude des Roms/Tsiganes au mouvement »

La conférence consacrera un panel aux recherches issues des fonds d’archives de l’International Tracing Service (ITS). L’ITS possède plus de 35 millions de documents datant de l’Holocauste et rassemblant des informations sur le destin de plus de 17 millions de personnes incarcérées, soumises au travail forcé et déplacées durant la Seconde Guerre mondiale. Son fonds concerne aussi les victimes et les survivants roms ainsi que leurs interactions avec  les organismes de relocalisations et les programmes de réparation. Les propositions qui présenteraient des recherches menées dans les fonds de l’ITS seront particulièrement prises en considération.

Une session publique sera en outre organisée en coopération avec le US Holocaust Memorial Museum in Washington, DC, au cours de laquelle des experts travaillant sur les fonds de l’ITS présenteront les ressources mises à la disposition du public et aideront les participants et les visiteurs à retrouver des documents concernant leurs ancêtres.

PROGRAMME
16 septembre 2019

14:30 Introduction
Helena Sadílková (Charles University) Jan Grill (University of Valle): Introducing Trajectories of Romani Mobilities

15:00-17:00 Séance I
Displacement, Survival, and Migration in the Aftermath of World War II and the Holocaust: Romani Trajectories in the Arolsen Archives


Elizabeth Anthony, Visiting Scholar Programs, Jack, Joseph and Morton Mandel Center for Advanced Holocaust Studies, U.S. Holocaust Memorial Museum
Using the Records of the International Tracing Service Digital Archive for Scholarly Research on Roma Victims of the Nazis

Ari Joskowicz,  Vanderbilt University and 2013-14 Diane and Howard Wohl Fellow (USHMM)
Romani Refugees between National and International Migration Regimes (1945-1960)

Jury: Jo-Ellyn Decker, Holocaust Survivor and Victims Research Center, U.S. Holocaust Memorial Museum
Discutant: Kateřina Čapková, Institute for Contemporary History, Czech Academy of Sciences

17 septembre 2019

9:30-11:00 Séance II
Manipulation of „Gypsy Nomadism“ in Post-War Europe

Huub van Baar, Institute of Political Science, Justus-Liebig University Giessen, Amsterdam Centre for Globalisation Studies, University of Amsterdam
The Ambiguous Politics of Protection in Post-War Europe: Irregularizing Citizenship of Roma through Mobile Governmentalities

Stefánia Toma – László Fosztó, Romanian Institute for Research on National Minorities in Cluj-Napoca
The mobility of the Roma as Resource and/or Obstacle for Social Integration in Romania

Filip Pospíšil, City University of New York, Anthropology Department of John Jay College of Criminal Justice
Nomads from the Neighboring Village – The Intrastate Mobility of the Unwanted

Jury: Yasar Abu Ghosh, Department of Anthropology, Faculty of Humanities Charles University
Discutant: Ari Joskowicz

11:00-11:30 Pause café

11:30-13:00 Séance
III
Negotiating Intrastate Policies During Socialism

Ana Chiritoiu, Department of Sociology and Social Anthropology, Central European University
‘Capable’, ‘Free’, and ‘Universal’: The Circulation of Roma Between Idioms of Resistance and Difference. A Case-Study from Southern Romania

Markéta Hajská, Seminar for Romani Studies, Department for Central European Studies, Faculty of Arts, Charles University
The Assimilation Policies of 1950s Czechoslovakia Towards Itinerant Groups as Viewed by Romani Witnesses: The Case of Žatec and Louny

Jan Ort, Seminar for Romani Studies, Department for Central European Studies, Faculty of Arts, Charles University
The Policy of “Controlled Dispersal” of the Roma in the 1960s in the Former Czechoslovakia. A Case Study of Humenné District

Jury: Helena Sadílková
Discutant:
László Fosztó

13:00-14:00 Pause déjeuner

14:00-15:30 Séance IV
Challenging Borders and Closed Concepts

Licia Porcedda, École des hautes études en sciences sociales
The Trajectory of Croatian Roma in 1940s and 1950s Italy. Citizenship, Social Control and Inclusion Through the History of Rosa Raidich

Sabrina Steindl-Kopf – Sanda Üllen, Institute of Modern and Contemporary History at the Austrian Academy of Sciences
Intersections of Participatory Action and Migration Biographies of Romani Migrants in Vienna

Dušan Slačka, Museum of Romani Culture
Effects of Political and Administrational Situation on Territorial Movement and Life of the Roma in Moravian-Slovak Borderlands – Example of Districts of Hodonín and Senica till 1970s

Jury: Ilsen About, National Centre for Scientific Research (CNRS) in Paris
Discutant: Eszter Varsa,
Leibniz Institute for East and Southeast European Studies, Regensburg

15:30-16:00 Pause café

16:00-17:30 Discussion/Forum
Interrogating Analytical Categories: On Pitfalls and Hopefulness in the Emerging Research Field (‘Mobilities’, ‘Migrations’, ‘Trajectories’ and Beyond)

Jan Grill (University of Valle), Yasar Abu Ghosh (Charles University), Helena Sadílková, (Charles University), Martin Fotta, Goethe University, Frankfurt
Jury: Krista Hegburg, U.S. Holocaust Memorial Museum

18 septembre 2019

9:30-11:30 Séance V
Beyond the Binary of Nomadism and Settlement

Kamila Fiałkowska – Michał P. Garapich – Elżbieta Mirga-Wójtowicz, Centre of Migration Research, University of Warsaw
Migration Regimes, Kinship and Ethnic Boundaries Impact on Migration Strategies and Practices: Case Study of Roma Migrants from Poland to the UK

Judit Durst (University College London) – Zsanna Nyírő (Corvinus University of Budapest)
Interrupted Continuity: The Role of Kinship in Migration among (Trans)nationally Mobile Roma Factory Workers from Rural Hungary at the Global Assembly Line

Daniel Škobla (Slovak Academy of Sciences – Institute of Ethnology and Social Anhtropology) – Mario Rodriguéz Polo (Palacký University in Olomouc – Department of Sociology, Andragogy and Cultural Anthropology)
Escaping Ethnic Traps. Cyclical Migration from Slovakia to Austria as a Way to Escape Poverty and Oppression

Jury: Jan Grill
Discutant: Huub van Baar

Revisiter l’événement 1989 en Europe Centrale : Marges sociales, pratiques d’écriture, nouvelles archives

Colloque international

Lieu : Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences à Paris (74, rue Lauriston) et Sorbonne Université (salle des actes, 17, rue de la Sorbonne)
Dates : 7-8 juin 2019
Organisateurs : Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences à Paris, Centre de civilisation polonaise de la Sorbonne Université, CEFRES, Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie, Polish Science Contact Agency “PolSCA” de l’Académie polonaise des sciences à Bruxelles
Langue : français et anglais

Premier colloque d’une série de conférences internationales intitulée « 1989-2019: Au-delà de l’anniversaire, réinterroger 1989 » se déroulant à Paris, à Varsovie et à Prague. 

Vous pouvez consulter le programme détaillé ici.

Argumentaire

Que sait-on de et sur 1989, série d’événements majeurs qui ont bouleversé la carte de l’Europe et du monde ? L’effondrement des régimes communistes a été abondamment étudié et commenté. Les sciences humaines et sociales se sont penchées de longue date sur l’énigme de 1989, qui a vu s’effondrer sans avoir été anticipé, en quelques mois seulement, la partie européenne du bloc soviétique. Pourtant, les travaux sur 1989 ont rapidement laissé la place à d’autres agendas de recherche, se proposant d’étudier les transformations en cours en Europe centrale et orientale. Car contrairement à ce que peuvent faire accroire le nombre important de récits sur 1989, peu nombreux sont les travaux empiriques sur cet objet et pour cause. Par sa situation historique comme moment final de la période communiste et comme moment inaugural de la « transition démocratique », 1989 a finalement été peu abordé en tant que tel. Les analyses rétrospectives sur les raisons de la chute du bloc communiste et les études prospectives sur la démocratisation des sociétés est-européennes ont rapidement marginalisé l’événement comme objet d’investigation au profit d’écrits plus centrés sur l’interprétation. Plus récemment, c’est davantage un questionnement sur les controverses mémorielles autour de 1989 qui a mobilisé l’attention des chercheurs. Ce colloque propose par conséquent un retour à l’événement-même. Revenir au terrain, se replonger dans le passé, mobiliser des sources inédites, sans sacrifier bien sûr à une religion du fait : telle est la perspective retenue, consistant à interroger l’événement par ses marges sociales, des acteurs qui sont restés jusqu’à présent plutôt dans l’ombre (par exemple les ouvriers ou femmes), à travers des pratiques d’écriture ou culturelles et en engageant un débat sur les archives sur 1989, suscitant des questionnements inédits ou trop longtemps ignorés. Plusieurs pistes semblent pouvoir être dégagées :

  • 1989 et les marges sociales. Qu’a représenté 1989 pour les classes ouvrières est-européennes, les communautés rurales, les habitants de milieux urbains éloignés du cœur des événements, les femmes, les jeunes ou encore les élites du régime ? Croiser l’événement politique et les mondes sociaux offre une perspective originale sur les dynamiques de l’effondrement et permet de repenser les relations entre « processus révolutionnaire » et classes sociales, dont on sait qu’elles sont centrales dans la théorie marxiste.
  • Les pratiques d’écriture et culturelles. Comment a-t-on figuré, documenté et co-construit 1989, tant pendant qu’après, à travers des pratiques d’écriture variées (journaux intimes, mémoires d’acteurs, presse clandestine, samizdats, correspondance) et des genres artistiques comme la littérature, le théâtre, le happening, la peinture ou le documentaire ? Quelles traces 1989 laisse-t-il dans la mémoire visuelle de l’événement ? Que décrit-on précisément, en adoptant quel point de vue ?
  • Nouvelles archives. Quelles archives ont-elles été constituées sur 1989 et sur la période qui a précédé l’événement ? Les archives sur 1989 relèvent-elles des archives du communisme ? 1989 a-t-il produit ses propres archivistes ? Qui sont-ils et quels usages faire de ces archives ? Comment interpréter le développement de l’histoire orale à l’Est et la multiplication de véritables « banques de témoignages », qui s’imposent comme de nouvelles archives du communisme et de l’après-communisme ?

Il s’agit donc de revisiter 1989 en prenant le parti d’un éclatement du regard sur la série d’événements politiques qui ont transformé l’Europe centrale et orientale. D’où le recours à des sources nouvelles et hétérodoxes : histoire orale auprès de citoyens ordinaires, écritures de soi, mémoires rédigées par d’anciens membres de l’opposition ou des partis communistes, affiches, matériaux littéraires et artistiques, etc. qui ont fait l’objet de si peu de publications depuis lors.

Direction scientifique du cycle de conférences :

  • Maciej Forycki, Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences à Paris
  • Jérôme Heurtaux, Directeur du CEFRES
  • Nicolas Maslowski, Directeur du Centre de civilisation française et d’études francophones, Université de Varsovie
  • Paweł Rodak, Directeur du Centre de civilisation Polonaise, Sorbonne Université

La délégitimation comme phénomène social

Colloque international 

Lieu : Varsovie
Date : 24 et 25 mai 2019
Organisateurs : Institut de philosophie, Centre de civilisation française, Université de Varsovie
Partenaire : CEFRES
Langue : anglais

Voir le programme ici.

La délégitimation comme phénomène social

Il faut entendre par là non pas une décision, un traité, un règne, ou une bataille, mais un rapport de forces qui s’inverse, un pouvoir confisqué, un vocabulaire repris et retourné contre ses utilisateurs, une domination qui s’affaiblit, se détend, s’empoisonne elle-même, une autre qui fait son entrée, masquée. Michel Foucault, Nietzsche, la généalogie, l’histoire. 

Il est tout-à-fait remarquable que la définition de l’événement historique par Rousseau porte toutes les marques de la délégitimation, c’est-à-dire de la perte d’autorité ou du refus abrupt de la reconnaissance. Ce n’est pas une coïncidence. La délégitimation est un événement historique parce qu’elle paraît être la condition de possibilité préalable à toute nouveauté dans le monde social. C’est le moment négatif qui précède toute positivité. La délégitimation précède le changement et l’engendre. Les armes brandies par l’autorité sont retournées contre elle, le sacré est rendu profane, le glorieux infâme, ce qui est faible devient fort et l’ignominieux s’expose au grand jour. La figure de la délégitimation est ainsi l’une des plus puissantes de l’imaginaire social moderne et l’on pourrait avancer qu’elle incarne le moment héroïque du progrès.

L’édifice des Lumières s’est construit à travers une série de délégitimations : la délégitimation de la téléologie aristotélicienne a ouvert la voie à la science moderne, la délégitimation de la vérité révélée a apporté la liberté à la pensée et à l’expression, la délégitimation de la monarchie a engendré la démocratie et celle des privilèges l’égalité devant la loi. La délégitimation est associée à l’émancipation, soit collective, soit individuelle. Qui plus est, dans les sociétés modernes, la délégitimation se mue en un jeu institutionnalisé. Inscrite au cœur des champs scientifiques, artistiques et politiques, elle en assure de l’intérieur la nature concurrentielle. Nous sommes ici confrontés à un paradoxe qui veut que la légitimité même de toute distinction ou de tout avantage dépende de la possibilité toujours présente de sa délégitimation. Il s’agit cela dit d’un paradoxe vertueux. Si nous reconnaissons que toute légitimité contient en elle-même, quoique à des degrés divers, une part certaine d’usurpation arbitraire et de violence, alors elle mérite de toute évidence d’être exposée à un revers de fortune.

Et pourtant, la délégitimation comme pratique sociale est loin d’être une entreprise innocente. Il est difficile de dire qu’elle réponde à quelque attente normative que ce soit. La délégitimation est rarement le produit de la seule critique équitable : elle passe par des hommes de paille, de mauvaises interprétations ou des hyperboles. L’entreprise de délégitimation favorise l’efficacité performative sur la cohérence de l’argument, le sentiment sur la raison. Elle a une aversion pour la nuance. Comme le soulignent certains penseurs contemporains de premier plan, elle procède en élaborant des signifiants vides, remplis d’images ambiguës. Non seulement la délégitimation distord ses objets, mais elle passe son temps à manipuler, déplacer ou dissimuler le sujet dont il est question. Le sujet de la délégitimation est souvent, si ce n’est toujours, « un autre masqué », puisque le dénonciateur parle rarement sans déguisement et sous son nom propre. Plutôt, il est le porte-parole d’une entité qu’il a lui-même créée. L’art de la délégitimation est ainsi la colonne vertébrale du populisme. Et de la sorte, l’« autre masqué » se manifeste ailleurs et sous une forme différente, quand le processus de délégitimation s’attaque non plus à ceux qui détiennent le pouvoir, mais à celles et ceux qui en sont le plus dramatiquement dépourvus. La dénégation de la reconnaissance prend principalement pour cible ceux qui en manquent déjà, en les stigmatisant, en les démonisant, en les réifiant et en les déshumanisant. La délégitimation est par conséquent inhérente à tout pogrom ou à tout génocide.

Nous encourageons les interventions de toutes les disciplines, dont la philosophie, l’histoire, la sociologie, la science politique, l’ethnographie, la science et les arts, afin de prendre en compte ces tensions et cette dialectique de la délégitimation. Le but de notre séminaire est un échange interdisciplinaire qui permette de comprendre les crises contemporaines de la légitimité. Nous espérons l’atteindre en embrassant le plus grand nombre possible d’espaces, de périodes et de méthodes.

Voltaire du Rhin au Danube (XVIIIe-XIXe siècle)

Journées Voltaire

Partenaires : CELLF (CNRS-Sorbonne Université), CEFRES, Voltaire Foundation (University of Oxford), Institut Balassi de Paris, Université de Picardie Jules Verne (Amiens)
Lieu : Amphithéâtre Michelet, 1 rue Victor Cousin, Paris
Dates : 22-23 juin 2018
Organisateur : Guillaume MÉTAYER (CELLF)

Programme

Vendredi 22 juin

 9h
Christophe MARTIN (directeur du CELLF) et Guillaume MÉTAYER (CELLF) : ouverture

Session I : Voltaire et les mondes germaniques
Présidence : Sylvain MENANT (CELLF)

9h15
Gérard LAUDIN (Sorbonne Université) : «  Les Annales de l’Empire »

9h45
Myrtille MÉRICAM-BOURDET (Université Lyon II) : «  Voltaire historien de l’Empire : sur quelques aspects de la question religieuse »

10h15
Renaud BRET-VITOZ (Université de Toulouse Jean-Jaurès) : « L’expérience théâtrale de Voltaire à Berlin et Potsdam entre 1750 et 1753, autour du Duc d’Alençon ou les frères ennemis »

10h45 : Pause (Club des Enseignants)

Session II : Table ronde sur les manuscrits de Frédéric II
Présidence : Natalia SPERANSKAYA (Saint-Pétersbourg)
  • Natalia SPERANSKAYA (Bibliothèque nationale de Russie, Saint-Pétersbourg) : Un manuscrit de La Poloniade de Frédéric II dans la bibliothèque de Voltaire
  •  Vanessa de SENARCLENS (Alfried Krupp Wissenschaftskolleg, Greifswald) : L’Art de la guerre de Frédéric annoté par Voltaire
  • Gillian PINK (Voltaire Foundation, Oxford) : Les Œuvres du philosophe de Sans Souci annotées par Voltaire

12h : Pause

Session III : Présence et diffusion de Voltaire dans l’Empire
Présidence : Gérard LAUDIN

12h15
Daniele MAIRA (Université de Göttingen) : « La Henriade en Allemagne : traductions et réception XVIIIe-XIXe siècles »

14h30
Jean BOUTAN (Sorbonne Université, Paris) : De La Pucelle à La Guerre des Femmes, la « Jungfrau in Waffen » dans la culture tchèque.

 15h
Emese EGYED (Université de Cluj-Napoca) : « Le double message du comte János Fekete: La Pucelle en hongrois (1799) »

15h30
Olga PENKE (Université de Szeged) : « L’écho hongrois des contes et des dialogues philosophiques de Voltaire »

16h : Pause

16h30 : Diffusion et éditions
Présidence : Nicholas CRONK

 16h30
Linda GIL (Université de Montpellier III) « Imprimer et diffuser Voltaire en Allemagne : l’édition Kehl les Œuvres complètes de Voltaire par la Société Littéraire Typographique. »

17h
Claire MADL (CEFRES, Prague) : « Voltaire produit de librairie dans la monarchie des Habsbourg »

 19h30 : Lectures à haute voix par la Sorbonne sonore et (sous réserve) Félix Libris

 Samedi 23 juin
Débats et réécritures
Présidence : Ludolf PELIZEUS (Université de Picardie Amiens, CERCLL)

9h30
Nicholas CRONK (Voltaire Foundation, Oxford) : Autour des Lettres philosophiques : la réponse de Johann Gustav Reinbeck à la lettre sur Locke

10h
Sylvie LE MOËL (Sorbonne Université) : « Fécondité et apories du tropisme voltairien chez Friedrich Heinrich Jacobi. »

 10h30 : Pause

11h
Ritchie ROBERTSON (Université d’Oxford) : « Wieland, the German Voltaire »

11h30
András KÁNYÁDI (INALCO, Paris) : Casanova et Fréderic le Grand dans les lettres hongroises inconnues de Voltaire

12h : Conclusions générales du colloque par Christiane MERVAUD (Présidente d’honneur de la SEV)

Penser en paroles : la philosophie à la loupe de ses manuscrits et archives

Colloque international

Organisateurs : Benedetta Zaccarello (CNRS, CEFRES) et Thomas C. Mercier (CEFRES/FHS UK)
Dates et lieu : 7-9 juin 2018, Institut français de Prague, 5e étage (Štěpánská 35, 110 00 Prague 1)
Partenaires : FSH UK, FLÚ AV ČR, Archives de Jan Patočka, ITEM (CNRS-ENS), Bibliothèque Nationale de France, IMEC (CNRS, Caen), Archives de Wittgenstein de l’Université de Bergen, avec le soutien de l’IFP et du programme PARCECO du MENESR

Le colloque s’articulera en quatre sections:

  1. Histoires d’archives : la théorie vue à partir des manuscrits d’auteur
  2. Méthodologies d’édition et d’interprétation
  3. Les archives à l’âge du numérique
  4. Enjeux politiques des archives et de leur conservation

Le 7 juin après-midi sera consacré à Jan Patočka et à ses archives.

Voir le programme ci-dessous!

En portant à la lumière l’histoire de plusieurs archives philosophiques et leur ancrage dans l’histoire des hommes tout court, nous espérons valoriser ce genre de lieux en tant que sources de savoir et d’apprentissage sur le terrain, en même temps que sensibiliser à l’apport de ce genre de matériaux pour une différente approche à l’histoire et à l’exégèse de la théorie.

Ce colloque vise à établir un dialogue entre spécialistes en provenance de différents pays et continents et ayant travaillé à des corpus différents de sorte à esquisser de premières lignes méthodologique et à établir un réseau collaboratif prêt à continuer dans ce travail de friche. La publication des actes du colloque fournira ainsi une première publication et la constitution d’un consortium de recherche en ce sens.

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Cycle Mai 68 – Berlin/Prague : « Vents d’Est, vents d’Ouest »

Lieu et horaires : Centre Marc Bloch (Salle Germaine Tillion, 7e étage, Friedrichstr. 191, Berlin), de 10h à 17h30
Organisatrices : Catherine Gousseff (Centre Marc Bloch), Sylvie Robic (Université de Nanterre), Clara Royer (CEFRES), Dominique Treilhou (Institut français de Berlin)
Partenaires : Centre Marc Bloch, Institut français de Berlin, Université Paris-Nanterre et CEFRES
Langues : français, allemand et anglais

Cette journée d’études se déroulera dans le cadre du Cycle Mai 68 de projections-débats, de journées d’études, d’exposition autour du cinquantenaire de Mai 68.

Depuis la grande manifestation contre l’intervention américaine au Viet Nam à Berlin en février, en passant par le soulèvement étudiant de mars en Pologne, celui qui se déverse en cascade en Italie, le printemps de Prague, la révolte de mai en France…, les vents frondeurs ont balayé l’Europe d’Est en Ouest, d’Ouest en Est, en 1968. La chronique des secousses qui ont agité, à des latitudes variables, les sociétés européennes, suggère l’existence d’un souffle rebelle qui se serait propagé à travers le vieux continent, nonobstant le rideau de fer et les divers régimes politiques de l’époque. Il existe bien un dénominateur commun en 1968 dans l’affirmation d’une nouvelle génération qui ose ses aspirations et bouscule l’ordre établi. Mais au delà, la diversité des configurations, qu’il s’agisse des acteurs engagés dans les différentes sociétés et plus encore des situations et des réponses politiques apportées, invite tout autant à confronter des moments historiques qui, entre fête et tragédie, ont imprimé les mémoires collectives.

Ce colloque donne voix à de grands témoins de 68 à travers l’Europe en questionnant leurs attentes d’alors. Il propose à la suite une réflexion croisée Est-Ouest, en réunissant des spécialistes sur trois grandes thématiques : la violence de 68, l’émergence du mouvement des femmes et la naissance des cultures alternatives. Quelles disparités et quelles transversalités se sont dégagées du souffle rebelle de 68 ?

Programme

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