« Une liberté trop bruyante : l’émergence de la Nouvelle vague cinématographique dans la Tchécoslovaquie communiste (1956-1968) »
Axe de recherche 1 : Déplacements, dépaysements et décalages : hommes, savoirs et pratiques
Ma thèse porte sur la Nouvelle Vague tchécoslovaque et ses relations avec le contexte historique et politique des années 1960 en Tchécoslovaquie. Je compte analyser les facteurs qui ont conduit à l’émergence de films d’auteur inventifs, souvent critiques ou offrant un contre-point de vue à l’image idéale de la société promue par le régime communiste et son studio system, dans contexte de contrôle sur la production, confrontée à une censure idéologique de la part de multiples institutions. L’industrie cinématographique a été nationalisée en 1945 en Tchécoslovaquie, une décision qui a facilité le contrôle de la cinématographie par le Parti communiste après le coup d’état de 1948. Le cinéma est non seulement devenu un outil idéologique mais il a aussi été le théâtre de combats politiques entre membres influents du Parti. Après une décennie de contrôle durant laquelle la doctrine du « réalisme socialiste » était présente dans tout les domaines artistiques, standardisant la production, un discret dégel a commencé à la fin des années 1950 après l’évincement du stalinien Václav Kopecký, alors ministre de la culture. Mais la vraie rupture artistique dans l’esthétique cinématographique est apparue à la fin des années 1960, quand une nouvelle génération de réalisateurs, inspirée par l’esthétique du néoréalisme de l’après-guerre et les techniques du cinéma direct, a commencé à filmer la société de son temps. La Tchécoslovaquie a alors commencé à être reconnue dans les festivals internationaux, d’abord au festival de Mannheim en 1963 quand Věra Chytilová a remporté le prix principal pour Quelque chose d’autre (O něčem jiném) puis au festival de Locarno en 1964 quand Miloš Forman a remporté le Léopard d’or pour L’As de pique (Černý Petr).
Mon projet de thèse offre une étude détaillée et documentée du mouvement cinématographique de la Nouvelle Vague tchécoslovaque dans une perspective historiographique, socioculturelle et esthétique. Je compte élaborer une modélisation économique, technique et esthétique de ce mouvement, dans la lignée de ce qui a été élaboré par la Nouvelle Vague française, en particulier par Michel Marie, en approfondissant le contexte et l’interaction, pendant la production et la diffusion, entre les films et la société de leur époque.
Je me base sur les méthodes du domaine historique, particulièrement dans la collecte et la critique des documents (filmiques et non-filmiques), ainsi que sur les outils de l’histoire culturelle, qui nous invite à placer les objets culturels dans une histoire sociale. J’étudie les films de mon corpus avec une analyse contextuelle, reconstituée avec différentes archives : presse de l’époque (généraliste ou spécialisée), documents de production venant des studios, archives personnelles des témoins (réalisateurs, scénaristes, acteurs, politiciens…), documents institutionnels et des sources apparues a posteriori (mémoires, rapports de presse…). Inspirée par d’autres travaux et par un cours dispensé en licence à l’Université Paris-Cité sur le « Cinéma et la sociologie », j’ai élargi mon approche à la sociologie de la culture, en m’intéressant à l’écosystème des métiers du cinéma, en particulier dans le cadre des studios Barrandov, et comment cela a influencé la production des films.