Au terme de deux années de préparation, l’équipe « Tandem » de la Plateforme CEFRES, menée par les anthropologues Luděk Brož et Viginie Vaté, obtient le prestigieux « consolidator grant » du Conseil européen de la recherche (ERC). Ce succès illustre l’excellente qualité de la coopération franco-tchèque dans le domaine de la recherche en sciences humaines et sociales et souligne le rôle-clef joué par le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) comme incubateur de projets européens.
Le Conseil européen de la recherche a publié le 10 décembre 2019 la liste des projets de recherche bénéficiant des prestigieux « Consolidator grants ». L’anthropologue Luděk Brož, chercheur à l’Institut d’ethnologie de l’Académie tchèque des sciences et au Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES), a obtenu un financement de 2 millions d’euros pour son projet sur les relations entre les chasseurs, les sangliers et la sécurité sanitaire.
Ce projet, monté en collaboration avec la chercheuse du CNRS Virginie Vaté, résulte de l’étroite collaboration entre le CEFRES, le CNRS, l’Académie tchèque des sciences et l’Université Charles, associés dans la « Plateforme CEFRES » dont la convention a été prolongée le 6 novembre dernier. Lauréats de la première équipe « Tandem », Luděk Brož et Virginie Vaté ont préparé ce projet pendant deux ans (2018-2020), monté un réseau international et organisé plusieurs événements scientifiques internationaux.
La médecine vétérinaire, la chasse et les sangliers sont au centre de ce projet de recherche. Durant les cinq prochaines années, Luděk Brož étudiera avec son équipe les conflits engendrés tout d’abord par la prolifération des sangliers en Europe puis par les risques de contagion de la peste porcine africaine.
La peste porcine africaine est considérée comme l’une des plus graves maladies animales de notre temps. Si elle ne se transmet pas à l’homme, elle entraîne la mort des cochons qui la contractent, qu’ils soient sauvages ou domestiques. Son virus très résistant se transmet relativement facilement par contact direct avec un animal atteint, avec leur cadavre ou leurs humeurs. Aucun vaccin n’existe encore contre cette maladie qui menace les élevages du monde entier et par conséquent les économies de nombreux pays.
C’est à partir de la Géorgie en 2007 que la maladie s’est diffusée vers l’Europe et vers l’Asie. Elle est aujourd’hui répandue depuis la Chine jusqu‘à la Pologne et a déclenché des transformations géopolitiques. L’an passé, la Pologne envisageait d’élever une clôture le long de sa frontière avec l’Ukraine et la Biélorussie ; le Danemark termine actuellement la construction d’une palissade sur sa frontière avec l’Allemagne. Comme le note Luděk Brož, „au nom de la sécurité sanitaire, trente ans après le démantèlement du rideau de fer, des grillages apparaissent sur les frontières à l’intérieur de l’espace Schengen“.
Dans le cadre de ce projet, Luděk Brož s’intéressera à l’impact de cette menace sur la communauté des chasseurs. En Europe, ce sont sept millions de chasseurs, le plus souvent amateurs, qui cherchent aujourd’hui, en dialogue avec l’épidémiologie vétérinaire, à redéfinir leur rôle et à renouveler les termes de leur acceptabilité.
D’après son auteur, le projet „ouvre de nouvelles perspectives empiriques et théoriques sur le phénomène de la chasse“ parce que la menace que représente la peste porcine africaine a transformé les sangliers en „cheval de Troie“ qui porte la contagion sur tout le continent européen. Dans ce contexte, la concurrence entre l’homme et le sanglier pour la maîtrise du territoire et de ses ressources se transforme en guerre au sanglier avec ses abattages massifs, ses zones fermées et ses clôtures frontalières“.
Le programme biannuel de la plateforme CEFRES nommé Tandem a servi d’incubateur au projet. Il associe deux chercheurs, un de l’Académie tchèque des sciences et un du CNRS, pour la préparation d’un projet ambitieux.
L’Université Charles renforce l’équipe par le financement d’un post-doctorant. En 2020, une nouvelle équipe Tandem s’installera au CEFRES pour deux ans et réunira Michèle Baussant, anthropologue, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des migrations, Johana Wyss, docteure de l’Université d’Oxford et anthropologue à l’Académie tchèque des sciences et Maria Kokkinou, post-doctorante. Leur projet intitulé « The Europe of Resentment. A Confederation of the Vanquished » étudiera les pratiques mémorielles de plusieurs minorités nationales et populations déplacées en Europe, suite à une guerre ou la décolonisation. Ce projet s’inscrit parfaitement dans la politique scientifique du CEFRES. Il fait également écho à l’actualité des migrations contemporaines en Europe.
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