La délégitimation comme phénomène social

Colloque international 

Lieu : Varsovie
Date : 24 et 25 mai 2019
Organisateurs : Institut de philosophie, Centre de civilisation française, Université de Varsovie
Partenaire : CEFRES
Langue : anglais

Voir le programme ici.

La délégitimation comme phénomène social

Il faut entendre par là non pas une décision, un traité, un règne, ou une bataille, mais un rapport de forces qui s’inverse, un pouvoir confisqué, un vocabulaire repris et retourné contre ses utilisateurs, une domination qui s’affaiblit, se détend, s’empoisonne elle-même, une autre qui fait son entrée, masquée. Michel Foucault, Nietzsche, la généalogie, l’histoire. 

Il est tout-à-fait remarquable que la définition de l’événement historique par Rousseau porte toutes les marques de la délégitimation, c’est-à-dire de la perte d’autorité ou du refus abrupt de la reconnaissance. Ce n’est pas une coïncidence. La délégitimation est un événement historique parce qu’elle paraît être la condition de possibilité préalable à toute nouveauté dans le monde social. C’est le moment négatif qui précède toute positivité. La délégitimation précède le changement et l’engendre. Les armes brandies par l’autorité sont retournées contre elle, le sacré est rendu profane, le glorieux infâme, ce qui est faible devient fort et l’ignominieux s’expose au grand jour. La figure de la délégitimation est ainsi l’une des plus puissantes de l’imaginaire social moderne et l’on pourrait avancer qu’elle incarne le moment héroïque du progrès.

L’édifice des Lumières s’est construit à travers une série de délégitimations : la délégitimation de la téléologie aristotélicienne a ouvert la voie à la science moderne, la délégitimation de la vérité révélée a apporté la liberté à la pensée et à l’expression, la délégitimation de la monarchie a engendré la démocratie et celle des privilèges l’égalité devant la loi. La délégitimation est associée à l’émancipation, soit collective, soit individuelle. Qui plus est, dans les sociétés modernes, la délégitimation se mue en un jeu institutionnalisé. Inscrite au cœur des champs scientifiques, artistiques et politiques, elle en assure de l’intérieur la nature concurrentielle. Nous sommes ici confrontés à un paradoxe qui veut que la légitimité même de toute distinction ou de tout avantage dépende de la possibilité toujours présente de sa délégitimation. Il s’agit cela dit d’un paradoxe vertueux. Si nous reconnaissons que toute légitimité contient en elle-même, quoique à des degrés divers, une part certaine d’usurpation arbitraire et de violence, alors elle mérite de toute évidence d’être exposée à un revers de fortune.

Et pourtant, la délégitimation comme pratique sociale est loin d’être une entreprise innocente. Il est difficile de dire qu’elle réponde à quelque attente normative que ce soit. La délégitimation est rarement le produit de la seule critique équitable : elle passe par des hommes de paille, de mauvaises interprétations ou des hyperboles. L’entreprise de délégitimation favorise l’efficacité performative sur la cohérence de l’argument, le sentiment sur la raison. Elle a une aversion pour la nuance. Comme le soulignent certains penseurs contemporains de premier plan, elle procède en élaborant des signifiants vides, remplis d’images ambiguës. Non seulement la délégitimation distord ses objets, mais elle passe son temps à manipuler, déplacer ou dissimuler le sujet dont il est question. Le sujet de la délégitimation est souvent, si ce n’est toujours, « un autre masqué », puisque le dénonciateur parle rarement sans déguisement et sous son nom propre. Plutôt, il est le porte-parole d’une entité qu’il a lui-même créée. L’art de la délégitimation est ainsi la colonne vertébrale du populisme. Et de la sorte, l’« autre masqué » se manifeste ailleurs et sous une forme différente, quand le processus de délégitimation s’attaque non plus à ceux qui détiennent le pouvoir, mais à celles et ceux qui en sont le plus dramatiquement dépourvus. La dénégation de la reconnaissance prend principalement pour cible ceux qui en manquent déjà, en les stigmatisant, en les démonisant, en les réifiant et en les déshumanisant. La délégitimation est par conséquent inhérente à tout pogrom ou à tout génocide.

Nous encourageons les interventions de toutes les disciplines, dont la philosophie, l’histoire, la sociologie, la science politique, l’ethnographie, la science et les arts, afin de prendre en compte ces tensions et cette dialectique de la délégitimation. Le but de notre séminaire est un échange interdisciplinaire qui permette de comprendre les crises contemporaines de la légitimité. Nous espérons l’atteindre en embrassant le plus grand nombre possible d’espaces, de périodes et de méthodes.

La Couronne de Bohême à l’époque moderne. Véritable État ou ensemble imaginaire?

La Couronne de Bohême à l’époque moderne. Véritable État ou ensemble imaginaire ?

Troisième session du Séminaire interdisciplinaire francophone du CEFRES 2023-2024 : La carte et la frontière
En 2023, nous souhaiterions commencer par interroger l’acte même de délimiter et de représenter (un territoire, une période, une trajectoire), bref, à l’aide du feu croisée de nos disciplines respectives, interroger la carte et la frontière.

Lieu : Bibliothèque du CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1
Date : le vendredi 8 décembre de 10h à 12h
Langue : français

Intervenant : Jan ZDICHYNEC, Faculté des Lettres, Université Charles
Discutant : Václav ŽŮREK, Centre d’études médiévales à l’Institut de philosophie, Académie tchèque des sciences, Prague Continuer la lecture de La Couronne de Bohême à l’époque moderne. Véritable État ou ensemble imaginaire?

La construction de l’espace républicain dans la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres

Le Château de Prague, cartographie de la construction
de l’espace républicain dans la Tchécoslovaquie de
l’entre-deux-guerres

Première session du Séminaire interdisciplinaire francophone du CEFRES 2024-2025 : La carte et la frontière.
En 2023, nous avons commencé par interroger l’acte même de délimiter et de représenter (un territoire, une période, une trajectoire), bref, à l’aide du feu croisée de nos disciplines respectives, interroger la carte et la frontière.

Lieu : CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1
Date : le vendredi 4 octobre 2024, de 10h à 12h
Langue : français

Intervenant : Jakub Štofaník (Institut Masaryk et archives de l’Académie tchèque des sciences)
Discutante : Eliška Tomalová (Faculté des Sciences sociales, Université Charles)

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La cartographie et l’histoire de l’art en dialogue

La cartographie et l’histoire de l’art en dialogue. Réflexion sur la fonction des cartes dans l’iconologie warburgienne

Septième session du Séminaire interdisciplinaire francophone du CEFRES 2023-2024 : La carte et la frontière.
En 2023, nous souhaiterions commencer par interroger l’acte même de délimiter et de représenter (un territoire, une période, une trajectoire), bref, à l’aide du feu croisée de nos disciplines respectives, interroger la carte et la frontière.

Lieu : CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1
Date : le vendredi 14 juin 2024 de 10 h à 11h30
Langue : français

Intervenante : Lara BONNEAU (Institut de philosophie de l’Académie tchèque des sciences (FLÚ – AV ČR), chercheuse associée au CEFRES)
Discutante : Danièle COHN, Université Paris 1

Résumé
La tendance à l’ornementation du geste graphique a-t-elle représenté un obstacle de la cartographie ? Ou pour le dire autrement : la cartographie a-t-elle dû se déprendre de sa dimension artistique, trop pétrie de vie sensible et affective, pour se faire abstraction planimétrique ? Questions centrales pour l’historien de l’art allemand Aby Warburg qui pensait le geste cartographique comme l’une des modalités de la prise de distance psychique à l’égard du sensible. En donnant des contours à ce qui se présente comme mouvant, changeant, voire chaotique dans l’expérience perceptive, en lui attribuant une place au sein d’un ordre (kosmos), et en le présentant dans l’espace plutôt que dans le temps, la mise en carte a une fonction psychique : donner au sujet des points où s’arrimer et prendre ainsi ses distances avec le réel. Néanmoins, comme en témoignent les cartes du ciel astrologiques peuplées de démons, la cartographie ne saurait abolir totalement la dimension à la fois phobique et désirante de notre rapport au monde et à l’univers. Les cartes comprennent une dimension sensible, « cosmétique », qui ne s’oppose peut-être pas frontalement à l’ambition de mise en ordre cosmique. Pour étudier la façon dont ces démons eux-mêmes se sont déplacés historiquement, fécondant durablement la tradition iconographique autant que les tentatives scientifiques de conquête de l’espace de penser, Aby Warburg est conduit à tracer à son tour… des cartes, celles des routes migratoires des motifs et des styles, des « formules de pathos » d’Athènes à Babylone, de Babylone à l’Europe du Sud puis du Nord. En nous appuyant notamment sur les travaux récents de Phillipe Despoix (2023), nous nous efforcerons de présenter la fonction de la cartographie dans l’iconologie warburgienne.

Voir le programme complet du séminaire 2023-2024 ici.

La (non-)présence des Juifs dans l’espace urbain médiéval

La (non-)présence des Juifs dans l’espace urbain médiéval

5th session of CEFRES in-house seminar
Through the presentation of works in progress, CEFRES’s Seminar aims at raising and discussing issues about methods, approaches or concepts, in a multidisciplinary spirit, allowing everyone to confront her or his own perspectives with the research presented.

Location: CEFRES Library and online (to register and get the text: cefres[@]cefres.cz)
Date:
Tuesday, January 28, 2025, at 4:30 p.m.
Language:
English

It wll be hosted by:
Kajetán HOLEĆEK (CEFRES / Faculty of Arts, Charles University)
and chaired by Petr GIBAS (Masaryk University, Brno/, Institute of Sociologyy, Czech Academy of Sciences)

Text to be commented: Lars Frers, « The Matter of Absence », Cultural Geographies 20/4 (2013), p. 431–445.

Abstract

The history of Jews offers numerous avenues for scholarly exploration. Traditionally, researchers have focused on the physical presence of Jews within society, emphasizing the existence of Jewish communities in specific locations, their interactions with other Jews, Christians, or Muslims, their economic roles, and their legal status within the broader social framework. In my research, however, I have chosen a different approach to understanding Jewish history—one that examines the Jewish experience within urban social space. As an example, I have chosen the town of Cheb (Eger), which hosted a significant and sizable Jewish community from the 13th to the 15th century.

The social space of the medieval town cannot be understood merely as a geographical or topographical category; it constitutes a complex network of interpersonal relationships that give rise to social space itself. As H. Lefebvre eloquently states, social space “subsumes things produced and encompasses their interrelationships in their coexistence and simultaneity.” Drawing on Lefebvre’s analysis of the production of social space, my research focuses on the ways in which the Jewish population contributed to this process. As in many other cases, the history of the Jewish community in Cheb (Eger) is marked by numerous discontinuities. However, rather than viewing these discontinuities as obstacles, I argue that they accentuate the significance of (non-)presence in the production of social space, particularly through the varying degrees of antagonism between Christian and Jewish societies.

The boundary between the presence and absence of Jews in the social space of medieval towns proves to be remarkably fluid. The presence of Jews (or any other social group) generally signifies active participation in shaping space, especially through everyday activities and interpersonal interactions. Conversely, their absence does not imply a complete withdrawal or disappearance from space. Instead, it reveals their passive role, which nonetheless continues to shape social space through the ways in which absence is perceived and reflected upon by the surrounding community.

My presentation will be divided into three parts. First, I will introduce my central research question, which I formulate as follows: “What was the experience of Jews in Eger’s urban space? How did the (non-)presence of Jews contribute to the production of social space in the medieval town?” Next, I will elaborate on my methodological approach, which draws on Henri Lefebvre’s The Production of Space as well as on insights from cultural geography concerning the study of (non-)presence. In the final part, I will present specific examples from my dissertation to demonstrate how I apply this methodology to the study of medieval society.

I contend that, despite the specific characteristics associated with the Middle Ages and Jewish history, this research can illuminate processes that remain relevant to contemporary society.

La « voix d’en bas ». JDE CEFRES-EHESS

La « voix d’en bas ». Face à la répression et à la violence arbitraire de l’État

Troisième journée d’étude doctorale organisée dans le cadre de la Convention de coopération entre l’EHESS, le CEFRES, l’Université Charles et l’Académie tchèque des sciences.

Date : 22 novembre 2024
Lieu : CEFRES, Na Florenci 3, Prague 1 et en ligne (demandez le lien de connexion à l’adresse cefres@cefres.cz)
Langue : anglais

Voir le texte de l’appel à contributions ici.

Programme

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