Dušan J. Ljuboja : recherche & CV

L’État, le nationalisme et le panslavisme à l’ère Métaternich (1815-1848). Le cas des Serbes de Pest et de Buda

Axe de recherche 1 : Déplacements, dépaysements et décalages : hommes, savoirs et pratiques

Contact : dusan.ljuboja(@)cefres.cz

Mes recherches portent sur les interrelations entre les idées du panslavisme et celles du nationalisme, au sein du cercle culturel serbe de Pest-Buda, dans la première moitié du XIXe siècle. J’ai choisi cette communauté serbe comme étude de cas en raison de son importance centrale pour le « réveil national » serbe dans la période susmentionnée. Jouissant en effet d’un accès direct à l’imprimerie de l’Université de Buda, elle eut un rôle leaders pour la production et la distribution du savoir parmi tous les Serbes vivant en Europe centrale et orientale. Elle entretenait de plus des liens étroits avec le mouvement panslave de cette époque, en particulier avec ses principaux protagonistes, tels Ján Kollár et Pavel Jozef Šafárik. Mes recherches ont pour objectif, non seulement d’analyser l’interrelation entre les deux idéologies (panslavisme et nationalisme romantique), mais aussi de montrer comment elles ont été adaptées et transformées dans le contexte serbe. Continuer la lecture de Dušan J. Ljuboja : recherche & CV

Vojtěch Pojar : Recherche & CV

Les experts dans les transitions post-impériales : convergences et divergences des trajectoires d’eugenistes entre l’empire des Habsbourg et les États-nations, 1912-1939

Axe de recherche 1Déplacements, dépaysements et décalages : hommes, savoirs et pratiques

Contact : vojtech.pojar(@)cefres.cz

Ma thèse explore le rôle de l’expertise dans le processus des transitions post-impériales. S’appuyant sur les méthodes de l’histoire intellectuelle et de l’histoire des sciences, mon projet de recherche retrace, dans le contexte de l’empire des Habsbourg, les communautés épistémiques qui rassemblaient les experts transversalement aux clivages nationaux. Je soutiens que même si les trajectoires de ces experts divergèrent après l’effondrement de l’empire, elles n’en restèrent pas moins étroitement interconnectées. Je montre non seulement  la persistance de ces réseaux d’experts au-delà de la rupture historique apparente de 1918, mais également la continuité frappante de leurs engagements épistémiques et politiques fondée sur leur expérience commune de l’empire. Continuer la lecture de Vojtěch Pojar : Recherche & CV

Nouveaux doctorants au CEFRES 2021-2022

Le jury de sélection interdisciplinaire des bourses de mobilité du CEFRES a auditionné 12 candidats le 2 juin 2021. Après délibération, le jury a décidé ainsi :

Bourses « Jeunes chercheurs »

  1. Vojtech Pojar (CEU) : Experts in Post-imperial Transitions: Entanglements and Diverging Trajectories of Eugenicists between the Habsburg Empire and the Nation States, 1912–1939
  2. Agnieszka Sobolewska (Université de Varsovie) : Entre l’autoanalyse et l’autobiographie. Pratiques quotidiennes de l’écriture des premiers psychanalystes et l’importance des documents intimes pour le développement de la théorie freudienne
  3. Nikola Ludlová (CEU) : Roma as an Object of Science and State Polices. Knowledge and Citizens in the Making in Post-war Czechoslovakia, 1945–1989
  4. Véronique Gruca (Univ. Paris-Nanterre) : Des histoires de famille. Sociabilité, rituels et vie quotidienne des éleveurs bouriates en Mongolie

Bourses « Plateforme CEFRES »

  1. Jan Kremer (UK) : Digital Game as a Representation of History

Nouveaux doctorants associés 

Honoré Banidjé (UK) : La construction nationale au Bénin (1894-1975), un exemple centre européen ?
Adrien Beauduin (CEU) : Réarticulations de genre, sexualité, race et classe dans la droite radicale populiste en Tchéquie et en Pologne
Eva Kotasková (Université de Masaryk) : From Coal Mining Production to Wilderness Industry: Ethnography of Svalbard
Archipelago

Barbora Kyereko (UK) : « Cocoa is Ghana, Ghana is Cocoa »: Ethnography of Research Institute
Dusan Ljuboja (Eötvös Loránd Université) : The State, Nationalism and Pan-Slavism in the “Age of Metternich” (1815-1848) – The Case of the Serbs of Pest and Buda

AAC – École d’été – Narrer l’histoire. Récits, disciplines, regards croisés

Appel à candidature pour la XXème Université Européenne d’Eté (UEE) du réseau OFFRES (Organisation francophone pour la formation et la recherche européennes en sciences humaines)

Organisateurs : Université Charles de Prague, Université Catholique de Lyon, CEFRES
Date limite d’envoi des candidatures : 31 mai 2021
Date : 5-9 juillet 2021
Lieu
: en ligne
Comité scientifique :
Pour le réseau OFFRES : Chiara Mengozzi, Chiara Pesaresi
Pour le CEFRES : Jérôme Heurtaux
Pour vous inscrire, téléchargez le formulaire d’inscription.

Vous trouverez ci-dessous :

Argument scientifique

Le texte de l’arguement scientifique est téléchargeable ici.

Cette Université d’été entend répondre à l’urgence théorique, éthique et politique de repenser le rapport à notre passé ainsi qu’aux différentes manières de l’écrire et de le transmettre.

La pluralité de mémoires qu’implique une société dans laquelle cohabitent des populations culturellement et parfois ethniquement différentes et les controverses mémorielles qui surgissent dans de nombreux pays, incitent à repenser notre rapport à l’histoire. La « mémoire nationale », mise à mal par l’émergence de contre-narrations nouvelles et souvent critiques, est, quand elle n’est pas en lambeaux, l’instrument de projets politico-identitaires qui ramènent l’histoire au cœur du débat public. Se pose ainsi la question du rapport entre héritage culturel et science historique, mais aussi celle du rôle de l’historiographie et de la narration du passé dans le processus de construction des identités nationales. En littérature, il s’agira d’enquêter sur les différentes formes de narration de l’histoire et d’interroger les frontières entre œuvre historiographique et texte littéraire, vérité historique et fiction. A l’heure de la fin des grands récits et des idéologies qui caractérisaient la philosophie de l’histoire au XIXème siècle, on pourra également se demander s’il est encore possible de parler d’une histoire humaine, et surtout d’un sens de l’histoire. Ces questions s’imposent dans toute réflexion portant sur le rapport de l’homme à son passé et à sa temporalité, sur l’histoire des événements et des faits qui marqueraient le évolution de l’humanité. Comment les sciences sociales, enfin, peuvent-elles affronter ces passés recomposés, éclairer les enjeux du présent au prisme d’un passé reconstitué voire faire de la mémoire un terrain de l’enquête historique ?

Cette université d’été réunira des spécialistes francophones de diverses disciplines, telles que l’histoire, la géographie, la sociologie, la science politique, l’anthropologie, la philosophie, la littérature, le cinéma afin de faire dialoguer leurs approches et leurs méthodes autour des problèmes évoqués.

Quelle philosophie de l’histoire aujourd’hui ?

L’expression « philosophie de l’histoire », introduite par Voltaire en 1765, désignait au XIXe siècle les différentes tentatives, souvent ouvertement idéologiques, de repérer la nature profonde du mouvement historique. Les philosophies modernes de l’histoire, tant idéalistes que matérialistes, font de l’histoire un progrès linéaire, contre toute vision cyclique du temps historique, propre par exemple à la pensée grecque, et qu’on retrouve également dans l’idée de Giambattista Vico des « cours et recours historiques » (Scienza nuova), ainsi que dans l’expression de « l’éternel retour » de Nietzsche.

On assiste actuellement, sur la scène mondiale, à un retour de la « philosophie de l’histoire », ce mode de philosopher qui avait disparu depuis les désillusions des années 1980, sinon depuis la disparition de Marx et d’Engels à la fin du XIXe siècle.

Ce retour est occasionné, et même rendu nécessaire, non plus par une espérance (comme c’était le cas chez Ernst Bloch), mais par des inquiétudes, celles qui sont suscitées par les périls écologiques (et donc inévitablement politiques) contenus dans la poursuite en Occident, et même dans l’extension (pour une part légitime) au reste du monde, d’un développement économique fondé sur le productivisme et le consumérisme.

La prise de conscience de ces périls a engendré une abondante littérature en sciences humaines, dont l’outillage conceptuel comprend les notions (revisitées ou nouvelles) de catastrophe, d’« anthropocène » ou d’effondrement (« collapsologie »), et dont le degré de pessimisme varie de l’appel à la prise de responsabilité individuelle et collective, jusqu’à la résignation devant l’apocalypse annoncée, en passant par la pratique de l’« heuristique de la peur » (Hans Jonas, inversant Ernst Bloch) et par la recherche de solutions politiques et économiques radicales (telles que la constitution d’instances souveraines mondiales et la mise en cause de la croissance comme impératif de développement).

En réaction à cette littérature, un courant philosophique et scientifique s’est fait jour (David Deutsch, Le commencement de l’infini, 2016 ; Steven Pinker, Le triomphe les Lumières, 2018), qui vise, non pas à minimiser les dangers auxquels l’humanité fait face, mais à dévoiler les biais cognitifs qui poussent à les exagérer, et à montrer dans quelle mesure (toute relative) ils peuvent être surmontés. Ce courant se réclame ouvertement des Lumières du XVIIIe siècle, et du contexte intellectuel européen, précisément, dans lequel est apparue la philosophie de l’histoire (éclipse de l’eschatologie du salut, idée que les phénomènes humains ne constituent pas un simple chaos spatio-temporel, hypothèse selon laquelle l’humain ne peut se réaliser qu’en tant qu’espèce).

C’est en réponse à ce second courant de pensée, dont l’optimisme peut parfois paraître inconséquent (du fait d’invocations unilatérales au « progrès »), qu’il importe de mener une réflexion sur la question même de la philosophie de l’histoire, réflexion qui devra éviter à la fois l’écueil d’un pessimisme paralysant pour la décision politique, et celui d’un optimisme inattentif aux véritables obstacles qui se tiennent devant la possibilité de conserver, pour l’Occident, son modèle actuel de développement.

Si les grandes philosophies de l’histoire du XIXe avaient pour but l’identification d’une direction ou d’un sens dans la succession des événements humains, le XXe siècle marque au contraire la critique radicale de toute forme d’historicisme, et conjointement la crise de l’idée d’un progrès historique conçu comme nécessité inéluctable. Le chemin de l’humanité n’est guidé par aucune perspective ultime : penser une téléologie de l’histoire reviendrait en effet à faire une « mauvaise métaphysique » (c’est l’idée de Karl Popper) que rien ne justifie.

Mais est-il encore possible aujourd’hui, dans le monde post-idéologique du capitalisme globalisé, de repérer un sens dans le mouvement historique ? La crise de l’idée de progrès décréterait-elle l’impossibilité même de poser la question du sens de l’histoire ?

En 1979, Jean-François Lyotard a montré que la sortie de la modernité impose à l’humanité occidentale de repenser radicalement le rapport à son propre passé, à l’histoire et jusqu’au sens de cette notion. La crise des « grandes narrations » de la modernité, qui attribuaient à l’Occident une « bonne fin éthicopolitique » (La condition postmoderne), détermine donc également la crise de l’Occident dans son identité même. Après les totalitarismes, la Shoah, la « mort de Dieu », est-il possible (et comment) de penser encore quelque chose comme une histoire collective de l’humanité occidentale ?

Ces mêmes questions sont posés par le philosophe tchèque Jan Patočka. « L’histoire a-t-elle un sens ? » est le titre de l’un des Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, publiés clandestinement en 1975. A l’issue de l’ère des totalitarismes, à l’époque des grandes désillusions et du désenchantement postmoderne, Patočka repense l’histoire comme le renversement perpétuel du sens reçu et accepté, c’est-à-dire comme ouverture de l’existence collective à la problématicité. Cette exposition à la perte de sens propre de la condition historique n’est pas pour lui la voie privilégiée du nihilisme mais au contraire l’appel à un renouvellement communautaire du sens, à travers la solidarité qui s’établit parmi ceux dont l’horizon de vie a été ébranlé.

L’histoire est ainsi la sortie de la banalité d’une vie acceptée de manière naïve et immédiate et la réinstallation de l’existence commune dans l’horizon de la « problématicité ». Si l’homme préhistorique vit dans un rapport fusionnel et non interrogé avec son monde environnant (rapport qui s’exprime dans le mythe), l’entrée dans l’histoire est déterminée par la vie communautaire, l’établissement d’une mémoire collective et la naissance de la philosophie, qui fait du sens non pas une réponse mais un questionnement sans fin.

Philosophie et politique seraient donc co-fondatrices de l’histoire, entendue non comme la suite des événements, mais comme « le domaine de l’action à partir de la liberté ». Ceci est donc l’enseignement des Essais hérétiques que nous lègue le Socrate de Prague : si la philosophie découvre la liberté comme une possibilité jamais conquise une fois pour toutes mais à réaliser toujours de nouveau, la politique est cette même liberté mise en œuvre, que le mouvement historique recueille sans que nous puissions la synthétiser dans une compréhension univoque.

Histoire et fictions

La fin des grands récits, d’une part, et le tournant linguistique et narratif en sciences humaines et sociales, de l’autre, ont conduit l’histoire et la littérature à redéfinir leurs frontières respectives, en ouvrant la voie à de nouveaux antagonismes, ainsi qu’à des croisements inédits et féconds.

Si avant ces tournants théoriques, il était encore possible de distinguer une œuvre historiographique d’un texte littéraire selon des conventions consolidées par la tradition, aujourd’hui les lignes de partage entre les deux nous apparaissent comme étant beaucoup plus fluides et beaucoup plus difficiles à discerner de manière nette.

S’il est vrai que la critique de l’objectivité de l’histoire remonte déjà au XIXe siècle (Marx, Nietzsche), il n’en reste pas moins que les années 70 du siècle dernier constituent un moment charnière dans l’historiographie occidentale. Après la publication en 1973 de Metahistory par Hyden White, il est devenu impossible d’ignorer les aspects rhétoriques et linguistiques de l’écriture historiographique, ainsi que les différentes formes de « mise en intrigue » qui transforment les faits en événements en attribuant une signification, une valeur et une cohérence à des matériaux sinon dénués de sens. Certes, les dérives constructivistes n’ont pas fait défaut, mais au-delà des différends stériles entre ceux qui ont embrassé une idée d’histoire radicalement postmoderne et les derniers défenseurs du « réalisme naïf », il importe de souligner que les historiens n’ont jamais perdu toute confiance dans la nature référentielle du signe et tiennent pour acquis que le passé, qu’il soit collectif ou personnel, n’est pas exclusivement le résultat d’une fabrication à posteriori (un exemple entre tous : Carlo Ginzburg). Eux aussi ont fini par s’engager sur le versant littéraire, en invitant leurs collègues à expérimenter de nouvelles formes de narration de l’histoire.

La littérature, de son côté, a répondu à la remise en question des frontières entre « fait » et « fiction » en déployant toute une panoplie de genres « mixtes », allant du roman méta-historique à la docu-fiction, du docu-drama à la fact-fiction, ou en se livrant à des œuvres contrefactuelles, fantahistoriques, uchroniques. Bien évidemment, toutes ces pratiques d’écriture ne s’équivalent pas. À la critique revient alors la tâche de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de comprendre si et quand ces écritures hybrides aboutissent à des mystifications renforçant un imaginaire consolateur, régressif et déresponsabilisant (voir à ce propos le succès des récits de complots sur les thèmes les plus variés, du terrorisme international aux catastrophes environnementales), et quand, par contre, les procédés de contamination entre les documents d’archives et les épisodes inventés servent à interroger les mécanismes de construction de la réalité à l’époque de sa médiatisation, à stimuler nos compétences herméneutiques, à nous rendre conscients de la quantité d’opérations (de sélection, de montage et d’agencement) auxquelles les « données » sont inévitablement soumises, y compris dans les genres qui aspirent à la référentialité.

Une autre manière, pour la littérature, d’entrer en concurrence féconde avec l’histoire consiste à dépasser l’ironie postmoderne pour donner lieu à des formes originales d’engagements envers la réalité — en faisant de la littérature ou du cinéma les lieux privilégiés pour élaborer les traumatismes de l’histoire récente ou lointaine —, pour faire émerger ce que l’histoire officielle a réduit au silence, pour récupérer la mémoire et l’action des exclus, des marginaux, des dominés, des colonisés, bien que cette tâche soit difficile et parsemée d’embûches (les écritures migrantes et postcoloniales en sont des exemples).

Dès lors, des questionnements nouveaux se font jour : de quelle manière faut-il concevoir le rapport entre vérité historique et fiction littéraire ? Et entre faits, mémoires et fictions ? Comment écrire l’histoire à une époque où la confiance dans les grandes narrations d’émancipation semble brisée ? Comment souscrire au caractère pluriel et narratif de l’histoire sans pour autant mettre sur le même plan les discours historique et littéraire ? Quelle est la valeur de vérité inhérente aux nouvelles formes de romans historiques qui confondent délibérément les plans fictionnel et référentiel ? Peut-on relire les archives « à contre-courant » pour accorder une place à tou-te-s celles et ceux qui ont été relégué-e-s aux oubliettes de l’histoire ?

Les sciences sociales comme sciences historiques

Les sciences sociales sont des sciences historiques, car elles travaillent une matière composée d’histoire, au sens d’une factualité inscrite dans un contexte particulier, même quand leur objet est situé dans le temps présent. Peu versées dans la prospective, les sciences sociales font leur miel de ce qui advient ou est déjà advenu. Tout est pour elles, en somme, potentiellement de l’histoire, au point qu’on ne sait plus très bien ce qui distingue l’historien de ses collègues sociologues, anthropologues ou politistes. Les incursions des historiens en sociologie (Paul Veyne) et dans le temps présent croisent celles des tenants de la socio-histoire du politique et des spécialistes des genèses des phénomènes sociaux contemporains. L’histoire n’est pas seulement factuelle, elle problématise : les concepts comptent autant que les faits. La sociologie n’est pas qu’abstraite, elle s’appuie sur des faits pour démontrer la véridicité de ce qu’elle avance : les faits comptent autant que les concepts. Penser que l’histoire n’est pas la propriété des historiens, c’est reconnaitre que les autres praticiens des sciences sociales (anthropologues, sociologues, politistes, etc.) envisagent le contexte historique de leur objet, en retracent parfois la genèse ou puisent dans le passé pour éclairer leur présent. Les sciences sociales entretiennent donc un commerce constant avec la matière historique, offrant toutefois une variété de récits possibles, tant divergent les modalités d’appréhension des faits historiques que les procédés narratifs.

Qu’est-ce qu’en effet un fait historique pour un praticien des sciences sociales ? Comment en particulier envisage-t-il et qualifie-t-il « l’évènement » ? Comment ensuite appréhender l’évènement sans retomber dans les ornières de l’histoire-bataille,  dés-évènementialiser l’évènement sans le dissoudre dans une histoire processuelle ? La sociologie des conjonctures critiques ou des situations révolutionnaires, par exemple, offre de multiples façons de circonscrire et borner temporellement, de qualifier voire disqualifier, ces changements politiques de grande ampleur. Mais d’autres objets historiques méritent également un croisement des regards et des disciplines.

Quelles méthodes mobiliser ? La multiplication de sources aussi diverses que possible est devenue la règle : autobiographies, mémoires, sources iconographiques ou audiovisuelles, archives, entretiens permettent d’appréhender un évènement historique par le prisme de multiples points de vue. Cet éclectisme méthodologique, qui n’est pas un exceptionnalisme méthodologique adapté à des situations réputées peu ordinaires, apparait comme une stratégie de contournement de possibles interprétations de sens commun. Pourtant, chaque discipline a ses méthodes de prédilection : faut-il s’en réjouir ou favoriser un pluralisme intégral dans les stratégies de recherche ?

Comment enfin écrire, narrer, transformer la réalité en un texte intelligible et aussi vraisemblable que possible ? Comment restituer dans un langage académique, par exemple, une révolution sans risquer de l’assécher, en ignorant les passions soulevées et les subjectivités mises à l’épreuve ? Quelles stratégies langagières, voire éditoriales, sont nécessaires pour donner à voir la richesse souvent incommensurable des faits historiques ?

Ce sont autant de questions que notre université d’été souhaite explorer en profondeur, en conjuguant des réflexions méthodologiques et épistémologiques et des études de cas, qui nous permettront (aussi) d’aborder les dynamiques de circulation, de diffusion et de patrimonialisation de l’histoire, les manières dont les historiens et les littéraires instaurent un dialogue avec la société et le large public, et les raisons se trouvant à l’origine du grand succès que les narrations fictionnelles de l’histoire (qu’elles soient littéraires ou cinématographiques) connaissent aujourd’hui, à une époque où, paradoxalement, la possibilité de conserver, dans un espace virtuel, chaque geste quotidien, aussi insignifiant soit-il, s’accompagne d’une lacune de mémoire, de conscience historique et de conscience collective.

Méthodologie générale de l’UEE

Bien que, contrairement aux années précédentes, cette édition se déroule en ligne, les activités comprennent, comme lors des précédentes éditions de l’UEE, des conférences plénières (le matin) et des ateliers thématiques (l’après-midi). Chaque conférence, d’une durée de 30 min., sera suivie d’une discussion avec la salle d’environ 20 minutes. Quant aux ateliers thématiques, les responsables d’ateliers prendront contact avec les participants quelques semaines avant le début de l’UEE, et pourront les réunir pour préciser les modalités de déroulement de l’atelier et pour entamer le travail sur les textes et matériels choisis. Ce travail préparatoire et la mise en commun pendant les trois jours d’atelier aboutirons à la présentation finale des résultats et éventuellement à la rédaction d’un texte qui sera mis en ligne sur le site du réseaux OFFRES.

Les ateliers  se tiennent en parallèle sur toute la durée de l’UEE et se déroulent en cinq séances réparties comme suit (proposition non contraignante) :

  • 3 séances de travail en équipe (5-7 juillet) ;
  • 1 séance de rédaction en commun (8 juillet) ;
  • 1 séance plénière de présentation des résultats des ateliers (9 juillet).

Liste des ateliers

Voir ici les argumentaires détaillés et les bibliographies des ateliers.

ATELIER N° 1 –  Régimes politiques hybrides. L’histoire récente des démocraties autoritaires
Responsables d’atelier :
Diana Margarit (Université Alexandru Ioan Cuza de Iasi)
Corneliu Bilba (Université Alexandru Ioan Cuza de Iasi)

ATELIER N° 2  – Quand les idées philosophiques rencontrent les récits historiques
Responsables de l’atelier :
Michal Kozlowski (Université de Varsovie)
Radmila Jovanovic Kozlowski (Université de Zagreb)

ATELIER N° 3 – Science-fiction et conflits sociaux : altérité, marginalisation, dynamiques intersectionnelles
Responsable d’atelier :
Daniele Comberiati (Université Paul-Valéry Montpellier 3)

ATELIER N° 4 – Histoire et Pop culture : des relations en mutation, une ambiguïté cultivée
Responsables d’atelier :
Pierre-Guillaume Paris
Thomas Vogel

ATELIER N° 5 – Les pirates ont-ils une histoire ? Faire et défaire l’histoire (politique) à partir des marges… liquides
Responsables d’atelier :
Momchil Hristov (Sofia)
Orgest Azizaj (Tirana/Paris)

Pour vous inscrire, téléchargez le formulaire d’inscription.

AAC – Mouvements urbains et politiques locales dans les PECO : développements récents et ambivalences conceptuelles

Journée d’étude internationale organisé par le CEFRES en coopération avec l’Institut des études sociologiques (Faculté des sciences sociales, Université Charles de Prague), Fundacja Zatoka (PL) et Periféria (HU)

Date : 4-6.11.2021
Lieu : CEFRES, Prague et en ligne
Langue
: anglais
Date limite d’envoi des propositions : 30.5.2021
Préprogramme :
jeudi soir : discours d’ouverture et réception
vendredi : présentations
samedi matin : visite urbaine critique dans le quartier de Karlín, « d’un quartier ouvrier à un symbole de gentrification »

La journée d’étude explore le rôle des institutions politiques et des mouvements sociaux dans le processus de changement urbain dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Le cas de Prague montre que les villes post-communistes ont une historicité particulière en termes de développement urbain après 1989. Continuer la lecture de AAC – Mouvements urbains et politiques locales dans les PECO : développements récents et ambivalences conceptuelles

AAC – Les sciences humaines et sociales face à l’imprévu

Une journée d’étude doctorale sera organisée par l’EHESS et le CEFRES portera sur le sujet : Les sciences humaines et sociales face à l’imprévu.

Date : 12 avril 2021 (9:30-19:00)
Date limite d’envoi des propositions : 15 mars 2021
Lieu : en ligne et au CEFRES
Langue : anglais

Encadrants : Michèle Baussant (CEFRES, CNRS), Falk Bretschneider (EHESS), Emmanuel Désveaux (EHESS), Jérôme Heurtaux (CEFRES), Pavel Himl (FHS UK), Claire Madl (CEFRES), Silvia Sebastiani (EHESS)

La crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid-19 a jeté la terre entière dans une incertitude profonde et bousculé de manière radicale presque toutes nos habitudes. Cela vaut également pour le monde de la recherche. Confinements, restrictions de voyage, couvre-feux, fermetures de bibliothèques ou de lieux d’archives et autres mesures de mise à distance et de protection ont un impact direct et parfois brutal sur un grand nombre de projets scientifiques et notamment ceux de nombreux jeunes chercheuses et chercheurs qui sont engagés dans des contrats à durée déterminée. Cette situation nous amène par conséquent à nous interroger sur les manières dont disposent les sciences humaines et sociales d’affronter le bouleversement, l’inattendu et l’imprévu, et ceci dans deux directions :

(1) Il s’agit, d’une part, de poser la question de nos propres pratiques de recherche, c’est-à-dire des techniques et méthodes dont nous disposons – ou qui restent à développer – pour nous confronter à une réalité qui a brusquement changé. Que faire notamment face à l’arrêt brutal de l’accès à un terrain ou un dépôt d’archives (que celui-ci soit provoqué par la pandémie en cours ou par un autre événement imprévu) ? Comment réagir face à des conditions extérieures qui rendent impossible la réalisation d’un projet tel qu’il a été initialement prévu ? Quelles sont les opportunités offertes par les nouveaux moyens de recherche à distance, mais quels sont aussi les risques qu’ils comportent – et comment penser ces deux phénomènes ensemble dans une réflexion méthodologique à la fois lucide et productive ?

(2) Il convient, d’autre part, de poser la question des évolutions rapides qui peuvent toucher nos objets de recherche, conduisant parfois à les reformuler radicalement. Irruption d’un événement inattendu, inversion brutale du « cours des choses », l’histoire humaine abonde en guerres, révolutions, pandémies ou autres cataclysmes qui induisent à chaque fois un renversement plus ou moins complet des normes et des pratiques en cours dans les sociétés concernées. Comment analyser les effets de ces transformations sur les sociétés d’hier ou d’aujourd’hui, tant au plan collectif qu’individuel (ruptures biographiques, etc.) et rendre compte des formes de résistance et d’adaptation ? Comment penser ces disruptions, les réactions qu’elles provoquent et notamment les formes de résilience qu’elles font naître ?

Nous invitons tous les doctorants affiliés au CEFRES, à l’EHESS ou à une université tchèque intéressés par cette thématique à nous soumettre leur candidature qui comportera, en un seul fichier PDF, un CV (deux pages maximum) ainsi qu’une brève description de l’intervention prévue (1.500 signes environ, espaces compris). La journée sera organisée autour des exposés des jeunes chercheuses et chercheurs et de leur discussion par les encadrants et les autres participants. Elle proposera en outre un temps d’échange libre à partir des expériences individuelles faites en temps de pandémie mondiale. Merci d’adresser votre dossier d’ici au 15 mars 2021 aux adresses : falk.bretschneider@ehess.fr & jerome.heurtaux@cefres.cz

Pour plus d’information, contactez :

falk.bretschneider@ehess.fr

jerome.heurtaux@cefres.cz

Centre français de recherche en sciences sociales – Prague